Poutine : homme et langage de mafia
Quelques mois avant d’accéder à la présidence de la Russie [en 1999], Vladimir Poutine, alors premier ministre, a stupéfié le monde en déclarant que son pays irait « buter les terroristes [tchétchènes] jusque dans les chiottes ». Il est familier de telles sorties, où l’on peut déceler une forme de populisme. On recueille même les « poutinades » un peu comme chez nous naguère les « raffarinades ».
Elles mériteraient cependant plus d’attention politique. Ainsi, on n’a pas suffisamment remarqué celle prononcée devant le président Emmanuel Macron lors de leur conférence de presse du 7 février 2022. Evoquant les accords de Minsk, il a affirmé qu’il faudrait bien que l’Ukraine les applique en l’assortissant de cette maxime [à l’intention du président ukrainien] : « Que cela te plaise ou non, à toi de l’supporter ma belle. » Le lendemain, le président Volodymyr Zelensky a répliqué, à l’occasion de sa conférence de presse avec M. Macron, que le président de la Russie avait bien raison : que l’Ukraine était belle en effet, mais que c’était de trop de dire « ma » belle.
On ignore que la maxime en question est tirée d’une tchastouchka (couplet satirique) scabreuse sur la princesse au bois dormant : « Dans la tombe, elle dort ma belle/Je m’incline et je te b…/Que oui ou non cela te plaise/A toi de l’supporter ma belle. »
Mais il y a une autre boutade, due cette fois au ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov, le 18 février, et passée totalement inaperçue à l’étranger parce que rebelle à la traduction. Soulignant combien il était important pour la Russie de signer un traité avec les Etats-Unis, le ministre a lancé : « Le caïd l’a dit, le caïd l’a fait. Nous obtiendrons que tout se passe honnêtement. Il faut néanmoins que les poniatiya (traduisons par « règles ») soient également respectées au niveau international. »
De quoi s’agit-il ? De quelles « règles » parlait-il ? Les poniatiya ne sont pas des règles comme les autres, ce sont celles observées par les caïds, les malfrats du monde carcéral, de la pègre, ceux que l’on appelle aussi en russe les Vory v zakone, littéralement les « voleurs dans la loi ». Par conséquent, dans ce contexte, le « honnêtement » veut dire « dans le respect des règles mafieuses ». Une véritable énormité : le ministre Lavrov, un homme apparemment éduqué, appelle à régler les relations internationales à la manière des malfrats ! On ne s’étonnera plus après cela qu’il affirme avec aplomb que les Ukrainiens se bombardent eux-mêmes ! On ne s’étonnera pas non plus que la Fédération de Russie viole allègrement tous les principes du droit international.
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