Guerre en Ukraine : des sanctions peu efficaces

Guerre en Ukraine : des sanctions peu efficaces 

Dans un entretien au « Monde », Olena Havrylchyk, économiste à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, estime qu’il est peu probable que les sanctions soient efficaces pour mettre un terme au conflit.

Propos recueillis par Marie Charrel

 

Professeure d’économie à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, Olena Havrylchyk est notamment spécialiste des fintech, les nouvelles technologies de la finance. D’origine ukrainienne, elle estime que les cryptomonnaies ne permettent pas de contourner les sanctions occidentales adoptées contre la Russie, et que la Banque centrale européenne devrait envisager de soutenir la monnaie d’Ukraine.

La Russie est sous le coup de sanctions économiques d’ampleur. A-t-on déjà, en partie ou entièrement, déconnecté un pays du système financier international ?

En réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie [le 24 février], les pays du G7 ont « militarisé » la finance d’une façon inédite contre un pays de cette taille et de ce niveau d’intégration dans l’économie mondiale. Dans l’histoire récente, seules les réserves d’Afghanistan, d’Iran et du Venezuela avaient été gelées. Avant la Russie, l’Iran a en outre été le seul pays déconnecté du réseau financier Swift.

La dépendance de l’Union européenne aux énergies russes explique néanmoins la difficulté d’imposer un embargo sur le gaz et le pétrole provenant de Moscou, ce qui limite la force de la réponse européenne. Cela explique aussi pourquoi l’exclusion de Swift d’une partie du secteur bancaire affiche de nombreuses exceptions, pour permettre le paiement du gaz russe. L’histoire, notamment l’exemple iranien, suggère néanmoins que les sanctions financières peuvent encore se durcir.


Ces sanctions peuvent-elles contribuer à mettre un terme à la guerre ?

Selon Nicholas Mulder, historien à l’université Cornell [dans l’Etat de New York], c’est peu probable. Dans son livre The Economic Weapon : The Rise of Sanction as a Tool of Modern War (Yale University Press, 448 pages, 37,90 euros), il démontre que, malgré la famine engendrée par les sanctions durant la première guerre mondiale, c’est la démoralisation des armées, bien plus que le manque de ressources économiques, qui a été décisive.

Au XXe siècle, seulement trois des dix-neuf tentatives d’utilisation de sanctions économiques visant à empêcher la guerre ont atteint leur objectif. L’attaque monétaire des Etats-Unis contre la livre sterling a, par exemple, mis un terme à l’expédition militaire du Royaume-Uni durant la crise du canal de Suez, en 1956. Mais le Royaume-Uni est une démocratie, alors que Poutine est un dictateur, qui contrôle tous les médias et interdit même l’utilisation du mot « guerre » dans son pays.

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