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Aménagement du territoire : mettre fin au modèle métropolitain

Aménagement du territoire : mettre fin au  modèle métropolitain 

Pr Jean Rottner, président LR de la région Grand Est dans l’Opinion.

 

Les heures graves que nous traversons mettent de nouveau en lumière le formidable élan de solidarité dont sont capables nos territoires lorsqu’ils sont portés par nos collectivités. Dans le même temps, l’Europe, qu’on avait pensé endormie, n’est jamais autant elle-même que lorsque le bruit de la guerre se fait entendre à ses frontières. Quarante ans après les lois de décentralisation, ce sont ces deux faces d’une même réalité que le Sommet européen des régions et des villes, réuni à Marseille, vient de nous rappeler.

Mais de quoi la décentralisation est-elle le nom ? Le mot en soi dresse un constat tout autant qu’il indique une perspective : centralisée, la France a besoin d’un mouvement décentralisateur pour poursuivre son développement. Le dire ainsi, c’est néanmoins affirmer que la centralisation reste au cœur du débat, faisant de la « dé » centralisation sa forme atavique.

Si nos collectivités ne sont qu’une forme déclinée de l’organisation centrale de l’Etat, comment échapper à cette confrontation stérile qui a été la marque du dialogue Etat-collectivités des deux dernières décennies ? Si la décentralisation se résume au seul enjeu de l’organisation administrative « des « compétences », comment pourrons nous résoudre la question essentielle qui la sous-tend : celle de réduire les inégalités entre les territoires et optimiser le potentiel de la mosaïque territoriale française ?

De fait, la France, qui s’est construite sur l’affirmation d’un pouvoir central, a-t-elle jamais consenti à redonner aux pouvoirs locaux les moyens et surtout la confiance qui leur permettrait de démultiplier leurs potentiels ? Poser la question, c’est déjà y répondre et l’histoire de la décentralisation en France ressemble beaucoup plus à un abandon, rarement spontané, de l’Etat aux collectivités, des politiques publiques sur lesquelles il entend cependant garder le contrôle. De la lente érosion de l’autonomie fiscale de nos collectivités, aux négociations interminables des transferts de compétences, dont nous sortons rarement satisfaits, jusqu’aux jeux d’opposition entre strates territoriales, le sentiment général au terme de ces quarante années est celui d’une réforme inachevée et donc perpétuellement recommencée.

Les réussites pourtant ne manquent pas. Et la région que je préside peut se féliciter d’avoir ouvert des perspectives singulières qui sont devenues des normes pour tous : régionalisation du transport ferroviaire ou gestion des fonds européens pour ne citer que ces deux exemples emblématiques. Plus globalement, l’autonomie des collectivités territoriales s’est concrètement traduite en amélioration du service public, en accroissement de l’investissement public ou en optimisation de l’efficacité budgétaire. Mais ce sujet de l’efficience publique, s’il est nécessaire, ne peut, à lui seul, donner tout son sens à la décentralisation.

« Les régions peuvent organiser aux côtés des autres collectivités ce maillage du territoire alliant puissance et proximité. C’est ainsi que nous pourrons accompagner efficacement les mutations à l’œuvre et les besoins qu’expriment nos concitoyens »

La crise a constitué, de ce point de vue, un révélateur en exprimant avec force le besoin d’enracinement local de nos concitoyens. Le grand confinement du printemps 2020, les nouvelles habitudes de travail à distance, la redécouverte des liens de proximité, tout cela concourt à un changement complet de paradigme. Il se traduit dans la vie économique par le défi de relocaliser une partie de notre production. Il se prolonge avec l’urgence de faire baisser notre empreinte carbone. Il nous appelle à répondre, sans délai, à l’enjeu énergétique. Autant de phénomènes profonds qui doivent contribuer à l’émergence d’une nouvelle ère dans nos politiques d’aménagement du territoire. La crise nous a ainsi fait entrer dans l’ère de l’aménagement régional.

Le modèle métropolitain qui dominait jusqu’alors ne peut plus être notre modèle exclusif d’aménagement. Il doit désormais se décliner dans un schéma qui s’articule plus étroitement avec les Départements, les villes moyennes mais aussi les centralités rurales.

Les régions peuvent organiser aux côtés des autres collectivités ce maillage du territoire alliant puissance et proximité. C’est ainsi que nous pourrons accompagner efficacement les mutations à l’œuvre et les besoins qu’expriment nos concitoyens. C’est ainsi que nous pourrons véritablement répondre à cette France qui se sent exclue et dont les scrutins successifs nous redisent le sentiment d’abandon.

En divisant la France en départements, l’Assemblée constituante de 1790 avait volontairement démembré les provinces d’Ancien régime. Depuis, l’évolution économique et technique a suggéré de nouvelles circonscriptions plus vastes : les régions. La construction européenne les a confirmées en fondant sur elles sa politique d’intégration, réduisant ainsi les inégalités au sein du continent tout en créant une puissance géopolitique unique au monde.

A l’interface des territoires et des politiques européennes, les régions ont ainsi vocation à constituer un espace de dialogue entre l’Etat et les collectivités. C’est ce que la crise nous a appris en faisant du tandem Etat-région l’un des plus puissants leviers de la relance.

L’intuition du général de Gaulle, qui voyait dans la régionalisation le plus sûr moyen d’adapter géographiquement l’action publique, se trouve ainsi confirmée. En associant les forces économiques et sociales à la politique d’aménagement du territoire, De Gaulle voulait maîtriser les grandes mutations à venir. Cette idée reste une idée neuve. Tout comme l’aménagement du territoire reste une urgence dans une France soumise à des inégalités encore trop fortes et pour répondre aux immenses défis des transitions énergétiques, environnementales et sociales.

Forts de nos 329 régions européennes, construisons ensemble, Etat et collectivités, l’Europe des régions et l’Europe des nations. L’une ne saurait exister sans l’autre.

Jean Rottner est président LR de la région Grand Est.

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