Réforme des retraites ou de l’État providence ?
La stratégie de baisse d’impôts et de charges choisie pendant le quinquennat n’est plus tenable face aux besoins d’investissement à venir, estime l’économiste Xavier Ragot dans une tribune au « Monde ».
La discussion sur la réforme des retraites ne doit pas se réduire à un débat paramétrique sur les économies qu’elle permettrait de réaliser. Elle devrait surtout concerner la formation, l’accès à l’emploi et les conditions de travail des seniors. De même, les autres investissements que la France doit consacrer à presque tous les secteurs essentiels – santé, éducation, lutte contre le changement climatique –, ne doivent pas, eux non plus, être victimes d’une approche purement budgétaire, ce qui pourrait conduire à des dépenses mal calibrées, faute de cohérence globale. Ainsi, c’est l’Etat-providence du XXIe siècle et son financement qui devraient être le véritable sujet du débat présidentiel.
Le quinquennat d’Emmanuel Macron a été, à cet égard, plus ambivalent qu’on pourrait le penser. Le revenu des ménages a augmenté de 300 euros par an en moyenne, alors qu’il avait quasiment stagné pendant le mandat de François Hollande. Or, cette augmentation s’explique par la hausse de l’emploi mais aussi par la baisse de la fiscalité : abandon progressif de la taxe d’habitation, réduction de la fiscalité du capital, défiscalisation des heures supplémentaires. Cette baisse de la fiscalité, et le refus assumé de toute hausse d’impôts, a ainsi conduit à une hausse de la dette publique de 16 points de PIB sur le quinquennat, malgré un environnement de taux d’intérêt très faibles il est vrai. Les mesures consécutives au mouvement des « gilets jaunes », le « quoi qu’il en coûte » face au Covid-19, le chèque inflation ou la remise carburant de 15 centimes n’ont pas été compensés, ni par des hausses d’impôts, ni par des mesures d’austérité.
De même, ce sont les dépenses budgétaires et la dette publique qui ont permis de soutenir les revenus : la défiscalisation des heures supplémentaires et la prime d’activité ont été préférées à une hausse du SMIC ou du point d’indice de la fonction publique. Le soutien budgétaire aux contrats d’apprentissage – l’aide exceptionnelle mise en place en 2020 couvre au moins 80 % du salaire d’un apprenti – et aux contrats de professionnalisation a conduit à leur augmentation de 50 % sur le quinquennat, contribuant à faire baisser le chômage des jeunes.
Quels ont été les effets de cette politique sur les inégalités ? Selon les estimations de l’Observatoire français des conjonctures économiques, le revenu des ménages les plus pauvres a bénéficié du transfert monétaire pendant la crise sanitaire et de la hausse de l’emploi. Le revenu des classes moyennes a augmenté grâce à la baisse de la taxe d’habitation et à la défiscalisation des heures supplémentaires. Les classes moyennes supérieures sont celles qui ont, en proportion de leur revenu, bénéficié le moins de cette politique. Mais ce sont les 10 %, voire les 1 % les plus riches qui en ont bénéficié le plus : la baisse de la fiscalité du capital n’a pas eu les effets positifs annoncés sur l’investissement, mais a concentré les gains de revenu sur les patrimoines les plus élevés. La forme globale des gains suit ainsi une courbe en « éléphant » avec une hausse pour les classes moyennes, une décroissance pour les classes moyennes supérieures et une hausse importante pour les plus riches.
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