Ukraine: gagner la guerre …. sans la faire
Dans une tribune au « Monde », Julian Fernandez et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, spécialistes des relations internationales, identifient des mesures à prendre pour précipiter la défaite russe, sans s’engager militairement dans le conflit. Ils rappellent qu’il est aussi nécessaire de trouver une voie de sortie du conflit par la diplomatie.
Tribune.
En décidant d’agresser l’Ukraine et de porter le conflit au cœur de son territoire, Vladimir Poutine s’est mis tout seul dans une situation où il ne lui reste plus qu’à choisir sa défaite : soit négocier en revoyant à la baisse ses ambitions pour ne viser finalement qu’un gain territorial dans le sud-est du pays, soit s’entêter en brutalisant encore davantage la population, voire en faisant déborder le conflit au-delà des frontières ukrainiennes.
Plus le temps passe, plus il est évident que la Russie s’embourbe – littéralement –, et plus le risque d’escalade est élevé puisque le maître du Kremlin pourrait être convaincu qu’il s’agit, pour lui, de la seule manière de s’en sortir par le haut. Dans ce contexte, comment aider la résistance ukrainienne tout en évitant une confrontation directe qui pourrait mener à la troisième guerre mondiale ? Comment aider la Russie à perdre sans lui donner le prétexte d’une escalade ? Comment gagner la guerre sans la faire ?
Dans cette zone grise entre la guerre et la paix, la belligérance et l’indifférence, la question est de maximiser notre soutien tout en restant en-deçà du seuil de l’engagement direct dans le conflit armé. Comment ? En augmentant son coût d’un côté, tout en ménageant une voie de sortie de l’autre.
Premièrement, il faut augmenter la pression non seulement économique mais aussi militaire. Economiquement, les Etats européens ne devraient pas attendre d’être unis pour décider individuellement d’interdire les importations de pétrole, de gaz et d’énergie russes comme l’ont déjà fait les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Militairement, la zone d’exclusion aérienne réclamée par certains n’est pas souhaitable, puisqu’elle impliquerait concrètement que des avions otaniens abattent des avions russes. Mais au moins trois choses semblent opportunes.
D’abord, intensifier les livraisons d’armes, en particulier les armes anti-aériennes qui sont les plus importantes pour limiter la capacité russe de bombarder les villes. Les dernières semaines ont démontré l’efficacité des systèmes portatifs de défense aérienne (Manpads), dont les redoutables Stinger, et il est important d’en envoyer encore davantage. Cependant, ils ne sont efficaces que contre des cibles à basse altitude.
Afin de contraindre les avions russes à voler plus bas, les plaçant ainsi à portée de Manpads, les Ukrainiens ont également besoin de missiles sol-air à moyenne et longue portées – de fabrication soviétique puisque ce sont ceux qu’ils connaissent et savent utiliser. Les deux sont complémentaires et cette combinaison est bien plus efficace qu’une hypothétique livraison de Mig-29 qui présenterait un risque d’escalade sans garantir un gain opérationnel majeur.
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