La démocratie : un combat permanent

La démocratie : un combat permanent

L’offensive de Vladimir Poutine en Ukraine met un coup d’arrêt brutal à l’illusion que l’histoire peut suivre « la trajectoire presque naturelle d’une émancipation individuelle et collective », affirme, dans une tribune au « Monde », François Crémieux, directeur des Hôpitaux de Marseille et ancien casque bleu en Bosnie.

 

Tribune.

n juillet 2000, nous étions partis avec Chris Marker (1921-2012), 80 ans, qui fut ce cinéaste observateur avisé de son siècle. Un road trip kosovar nous avait menés de visites d’hôpitaux en entretiens à la rencontre de médecins qui venaient de vivre les dernières batailles de la dernière guerre des Balkans.

Ce qui avait commencé au Kosovo par un discours nationaliste de Slobodan Milosevic en 1989 et s’était poursuivi par les sièges de Vukovar, en Croatie, de Sarajevo, en Bosnie, et jusqu’au génocide de Srebrenica, venait s’échouer ici sur la terre kosovare avec les derniers massacres commis par les miliciens serbes en février de cette année-là.

De ce dernier voyage de Chris Marker, nous reviendrions avec un film, « Un maire au Kosovo », portrait du chirurgien Bajram Rexhepi (1954-2017), combattant de l’UCK – l’Armée de libération du Kosovo – et cette année-là, maire de sa ville. Il serait bientôt le premier ministre du Kosovo et militant ardent de l’entrée de son jeune pays au sein de l’Union européenne, comme un ancrage définitif à la démocratie et une garantie de paix pour ses filles.

Comme pour toute sa génération née dans l’entre-deux-guerres, le monde de Marker avait été marqué par la déportation et la Shoah et, comme l’avait écrit André Malraux, cette quête de « la région cruciale de l’âme ou le mal absolu s’oppose à la fraternité » (Le Miroir des limbes). Il filmait le Kosovo avec d’autres images en tête. Celles, intimes, de ses camarades américains qu’il avait accompagnés à 25 ans, du débarquement en Normandie jusqu’en Allemagne ; celles de Nuit et brouillard,

L’histoire de ce bout de siècle l’avait mené à poursuivre son enquête sur la fraternité, au cœur des procès de Moscou ou des coups d’Etat des colonels grecs et des généraux chiliens. Marker, également photographe, avait chez lui un carton de ses propres images du tournage de deux grands films de son ami Costa Gavras, L’Aveu et Z. Il pouvait aussi avoir en tête son récit de la fraternité dans le huis clos d’une ambassade française au cœur de Santiago (Chili) en siège et ses images d’arrestations par des hommes en treillis qui auraient aussi pu se dérouler à Varsovie, Prague, Bucarest, et bientôt peut-être Kiev.

Cet été-là, nous nous étions rejoints au Kosovo après que Marker m’avait écrit ce que je n’ai jamais oublié : « Toute l’histoire Kosovo/Serbie m’a passablement démoli sur un point précis : qu’on le veuille ou non, il vient un âge des bilans, et cette guerre était le condensé de tous les échecs, de tous les mensonges et de tous les pièges auxquels ma génération a eu affaire, avec en supplément, cette fois, l’impression que le film était reparti à l’envers. »

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