Royaume-Uni et Ukraine : le double langage de Boris Johnson
La guerre menée par Poutine a renforcé l’unité de l’Union européenne. A côté, le gouvernement britannique, certes fort en mots, paraît bien timoré dans ses actes.
Par Cécile Ducourtieux dans le Monde (Londres, correspondante)
Analyse. Depuis le début de la guerre de Poutine en Ukraine, les décisions des gouvernements occidentaux se sont tant accélérées qu’il est devenu périlleux d’émettre des jugements définitifs sur leurs choix. Tentons tout de même un bilan à chaud du Royaume-Uni post-Brexit, confronté à sa pire crise depuis la seconde guerre mondiale.
Dans un contexte de dramatique montée des risques géopolitiques, le Brexit apparaît comme un handicap, voire une erreur historique. Quel est l’intérêt pour les Britanniques de tourner le dos à l’Union européenne (UE) au moment où cette dernière reprend sa dimension première : celle d’une alliance pour la paix et la démocratie ? Quand elle redevient désirable ? La puissance du message ukrainien est considérable : le président Volodymyr Zelensky implore Bruxelles d’accorder « immédiatement » le statut de membre à l’Ukraine. La Géorgie et la Moldavie lui emboîtent le pas et ont déposé des demandes d’adhésion.
La rhétorique est certes au rendez-vous : Boris Johnson a des mots très durs pour condamner le régime de Poutine. Il le considère déjà comme responsable de « crimes de guerre », réclame qu’il soit traité « comme un paria », répète qu’il « doit échouer » et soutient « le plus dur paquet de sanctions jamais décidé » contre la Russie. Réagissant promptement à l’invasion russe, Londres a interdit ses ports aux bateaux sous pavillon russe, ses aéroports aux compagnies russes. M. Johnson a été un des plus fervents avocats de la déconnexion des banques russes du système Swift et a annoncé l’arrêt des importations de pétrole russe d’ici à fin 2022.
Partageant ses données de renseignement avec Washington, Londres a très tôt redouté une invasion de l’Ukraine. Le Royaume-Uni fut le premier pays européen, mi-janvier, à envoyer des armes défensives – des missiles antichars – au gouvernement ukrainien, puis à annoncer le renforcement des troupes de l’OTAN en Estonie. Des soutiens salués par le président Zelensky. Mercredi 9 mars, le ministre de la défense britannique Ben Wallace a annoncé « étudier » l’envoi de missiles antiaériens à l’Ukraine.
En revanche, la main de Boris Johnson semble trembler quand il s’agit de sanctionner les oligarques – la liste des fortunes proches du Kremlin sanctionnées par Londres est deux fois moins longue que sa version européenne. Aurait-il du mal à tourner la page des relations vénales entre les tories et les multimillionnaires russes (le parti conservateur a reçu 2 millions de livres sterling de donations de Britanniques d’origine russe depuis mi-2019) ? Liz Truss, sa ministre des affaires étrangères, préfère accuser un régime de sanctions lourd à mettre en œuvre, moins flexible que celui de l’UE. Surtout : le ministère de l’intérieur (Home Office) n’est absolument pas à la hauteur du défi humanitaire ukrainien et distribue des visas au compte-gouttes quand l’UE ouvre grand ses portes .
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