Contre les conseils d’administration bidon
Partant des dysfonctionnements dans la gouvernance des groupes français, l’avocate Aline Poncelet, l’analyste financier Jean-Florent Rérolle et le banquier David Villeneuve plaident, dans une tribune au « Monde », en faveur d’une émancipation des conseils d’administration, qui devraient disposer de moyens financiers pour s’informer de façon indépendante.
De façon allusive, ces experts condamnent le caractère bidon de nombre de conseils d’administration qui ne sont que des chambres d’enregistrement d’orientations décidées par les directions d’entreprises. Encore faudrait-il éviter le copinage qui permet l’échange d’administrateurs très complaisants entre sociétés. NDLR
Orpea, Soitec, Atos, Danone, Renault : les exemples d’éviction soudaine de dirigeants par des conseils d’administration ragaillardis ne sauraient faire oublier que les incendies que l’on cherche à éteindre trouvent souvent leur origine dans la complaisance, la négligence ou l’aveuglement de ces mêmes conseils.
Cependant, il ne faut pas leur jeter la pierre ! Bien que légalement chargés de déterminer les orientations stratégiques de la société et de contrôler l’action du management, les administrateurs ne disposent pas des ressources correspondantes. Le conseil d’administration devrait être la clé de voûte de la gouvernance. Il n’en est qu’un appendice.
Tous les moyens d’action, d’information et de contrôle qui lui permettraient d’assumer pleinement ses fonctions – budget de fonctionnement du conseil, secrétaire du conseil, audit interne, commissaires aux comptes, experts juridiques, financiers ou extra-financiers, enquêtes internes sur l’engagement du personnel, lanceurs d’alerte, etc. – lui échappent, car ils dépendent peu ou prou de la direction générale.
Si l’on veut des entreprises plus responsables et une gestion plus maîtrisée, il faut rééquilibrer les pouvoirs de direction et de contrôle en transférant au conseil les fonctions de gouvernance et les moyens financiers et humains correspondants. A charge pour chaque conseil de dessiner les contours de ces fonctions, selon ce qu’il estime nécessaire pour la société, et de convaincre les actionnaires de la pertinence de ses choix organisationnels. Il faut au minimum que le conseil puisse disposer d’une information indépendante, c’est-à-dire qui ne soit pas produite uniquement par le management, et qu’il renforce sa culture du contrôle.
De nombreuses modalités techniques sont envisageables pour organiser ce transfert de compétences. Cela peut aller de la simple délégation de pouvoirs à la création d’une filiale permettant de donner au conseil une véritable personnalité morale.
Quelle que soit la solution retenue, le conseil doit se voir transférer le budget et le personnel correspondant aux fonctions qu’il aura décidé de recouvrer. En tout état de cause, le secrétaire du conseil doit lui reporter afin de l’assister dans la mise en œuvre de ces responsabilités.
La légitimité de ce transfert doit être confortée par les actionnaires. Ceux-ci se prononceraient lors de l’assemblée générale annuelle sur une résolution ad hoc et consultative de gouvernance portant sur le niveau de budget prévu pour le conseil, les choix d’organisation retenus, l’éventuelle convention de services et la description de l’activité du conseil dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise. Les actionnaires pourraient ainsi porter un jugement éclairé sur la qualité du dispositif de gouvernance.
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