Macron candidat : la continuité molle
Dans un papier de l‘Opinion , on observe que Macron a largement abandonné ses habits de transformateur pour proposer à la place une sorte de continuité molle qui évacue les préoccupations et les enjeux .
Un quinquennat de crises et une guerre en Ukraine sont passés par là. Emmanuel Macron candidat à sa réélection est l’inverse, même s’il s’en défend, de celui qui déboulait dans le jeu politique de 2016. Rassurant, « protecteur », « lucide », quand le premier était « disruptif », « transformateur » et accumulait les hyperboles pour donner corps à la « Révolution » promise dans son livre de campagne. La révolution, sociale, sanitaire, et maintenant guerrière, les Français ne l’ont que trop connue pour l’attendre du champ politique, anticipe-t-il désormais. Ils veulent de la stabilité. Il propose d’en être le garant.
On retrouve bien ses fondamentaux dans la « lettre aux Français » qu’il publie ce jeudi soir . L’Europe, la valorisation du travail, l’émancipation par l’école, la confiance en l’avenir. A l’épreuve du pouvoir, d’autres ambitions se sont ajoutées : la souveraineté, le grand âge et la santé, les investissements d’avenir, dans la recherche en particulier. Leur addition doit constituer une « réponse singulière » face aux « dérèglements du monde ».
A ce stade pas de mesures précises pour nourrir sa promesse, mais on sent bien que là ne sera pas l’enjeu. Travailler plus longtemps, la réforme des retraites se lit entre les lignes. Baisser les impôts de production aussi. Sur le reste, l’éducation et la santé notamment, l’approche semble être davantage celle du réparateur que du modernisateur. Aux mots -absents – d’économies, de dette, de compétitivité, il préfère ceux de « valeurs », « culture », « méritocratie républicaine ». Le quoiqu’il en coûte lui aussi est passé par là.
En entrant tard en campagne, Emmanuel Macron a pu s’ajuster à l’offre. Sur le terrain de la réforme, Valérie Pécresse est trop faible pour qu’il soit contesté, calcule-t-il. Il semble faire le pari qu’il affrontera plutôt Marine Le Pen ou Eric Zemmour au second tour de la présidentielle : autres troubles à venir, anticipe-t-il, qui justifient qu’il mette l’accent sur la loi, l’« humain » et la défense du modèle social.
Dans le climat anxiogène du moment, le président sortant joue sur le réflexe légitimiste des électeurs. Il protège plus qu’il ne prend des risques parce que politiquement il n’en a pas besoin. Sa nature, en revanche, risque, elle, d’être bousculée. Ses proches ont suffisamment vanté son « ADN audacieux » pour qu’on ait longtemps cru qu’il voudrait laisser dans l’histoire la trace de la réforme profonde, un peu comme Gerhard Schröder en Allemagne. Les circonstances ont transformé sa conception du président. Réconcilier, unir, conforter face aux crises, c’est celle qu’il propose.
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