Poutine: Un bilan catastrophique pour la Russie
Pour rendre à la Russie son statut de grande puissance militaire, le chef du Kremlin a sacrifié tout le reste. Il règne aujourd’hui sur une économie bloquée et un pays en guerre dont il a étouffé l’innovation et la créativité, observe dans sa chronique Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde ».
Fut un temps où la Russie, par l’intermédiaire de l’URSS, régnait sur une partie du monde : le temps de la guerre froide, lorsque deux superpuissances, l’américaine et la soviétique, s’affrontaient pour rivaliser d’influence. Lorsque l’URSS s’est effondrée, en 1991, la Russie s’est présentée comme l’héritière logique des attributs de sa puissance. Elle a gardé la capitale, Moscou, « ville des héros », et l’hymne triomphal. Elle a récupéré les têtes nucléaires déployées en Ukraine, en Biélorussie et au Kazakhstan, désormais indépendants. Elle s’est installée dans le siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.
Vladimir Poutine dirige cette nouvelle Russie en autocrate depuis vingt-deux ans. Qu’a-t-il fait de cette puissance ? Le bilan de cet homme qui, de son propre aveu, n’aspire qu’à rétablir la « grandeur » de l’Union soviétique, est désastreux. Il n’est pas un domaine dans lequel il n’ait pas présidé au déclin de son pays. Hormis celui de l’armement, grâce auquel il peut se payer le luxe d’envahir aujourd’hui l’Ukraine voisine pour l’asservir, faute d’avoir réussi à la séduire.
La Russie, ironisait à la mi-février un dirigeant européen en marge de la conférence sur la sécurité de Munich alors que montait la tension sur la frontière ukrainienne, « c’est une station d’essence avec des missiles nucléaires ». Hydrocarbures et puissance militaire : ce sont les deux piliers sur lesquels Vladimir Poutine a pu s’appuyer après avoir succédé à Boris Eltsine au terme d’une décennie de chaos économique. Du hard power brut. Il a, au début de son règne, rétabli l’ordre et remis l’économie russe sur les rails – tout en refermant progressivement les espaces de liberté ouverts par Gorbatchev et Eltsine.
Mais le vent a rapidement tourné. L’impact de la crise financière mondiale de 2008 a coïncidé avec celui du premier épisode de conquête poutinienne, celle de la Géorgie. L’intervention dans cette république ex-soviétique du Caucase a révélé à Poutine le mauvais état de son aviation et de l’équipement militaire hérités de l’URSS. Il a alors engagé une bonne partie de ses vastes ressources à la modernisation de ses forces armées. La dynamique était lancée : désormais, la reconstitution de la puissance militaire primerait sur le reste.
Le reste, en effet, a gravement souffert de cette folie des grandeurs et de la logique politique qui l’a guidée. La liberté, l’économie, la société, le niveau de vie, l’innovation, la culture… tout a été sacrifié. Le bilan de Vladimir Poutine à la tête de la Russie n’est qu’une longue descente aux enfers d’un pays qui se retrouve aujourd’hui plongé malgré lui dans une guerre contre un peuple revendiqué comme le sien.
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