Pour une centrale européenne d’achat de gaz
L’économiste Christian Stoffaës préconise, dans une tribune au « Monde », de réduire la dépendance des pays de l’Union européenne vis-à-vis du gaz russe en coordonnant l’action des opérateurs privés et des Etats, quitte à s’affranchir du dogme de la libre concurrence.
Les événements en Ukraine viennent de conférer un sens concret à la dépendance énergétique de l’Europe. La menace de couper le gaz, c’est comme la dissuasion nucléaire : on ne peut pas utiliser la bombe, mais elle est là, pesant sur les consciences et sur les comportements.
L’Europe découvre à quel point elle est devenue dépendante du gaz russe, à travers les cris d’alarme des pays de l’Europe centrale et orientale et les réticences de l’Allemagne à mécontenter son puissant fournisseur. Déjà en 2005 et 2009 les conflits gaziers russo-ukrainiens sur le transit du gaz avaient suscité l’inquiétude.
Maintenant que l’Europe a démontré sa capacité à surmonter ses divisions, c’est l’occasion de mettre au débat le projet d’une centrale d’achat de gaz pour répondre à la situation de dissymétrie qui confronte la multiplicité des importateurs au monopole d’exportation de Gazprom, qui, bien plus qu’une simple entreprise géante, est l’incarnation même de l’Etat russe, dont elle reste un des seuls attributs de sa puissance passée, l’instrument majeur de sa politique étrangère et sa principale ressource financière.
Après la première guerre mondiale, les lois de 1928 adoptées sous la IIIe République instaurant un monopole d’Etat sur l’importation de pétrole ont démontré l’efficacité d’une politique dirigiste de sécurité pétrolière.
Dépourvu de gisements sur son territoire métropolitain, l’Etat a su instaurer un régime légal soumettant les importations de pétrole à autorisation. La France, malgré son handicap géologique, a pu ainsi se doter de puissantes entreprises pétrolières et gazières, publiques et privées, qui ont pris toute leur
La réponse appropriée face à un monopole de vente est, en effet, un « monopsone » d’achat, disent les économistes, c’est-à-dire une coordination centralisée des contrats d’achat de gaz autorisant les entreprises gazières européennes à se regrouper pour négocier avec les pays fournisseurs et développer les infrastructures de diversification des routes d’accès.
Une référence utile en droit communautaire est l’agence d’approvisionnement instituée en 1960 par Euratom, l’autre « traité fondateur » de l’Europe, aujourd’hui quelque peu oublié, conclu dans le contexte des inquiétudes sur la sécurité d’approvisionnement nées de la décolonisation, qui attribuait des pouvoirs dirigistes exceptionnels délégués aux opérateurs placés sous le contrôle de l’Agence.
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