Le moteur de Poutine: La peur de la démocratie
Ce qui traumatise Poutine dans l’Ukraine d’aujourd’hui, ce n’est pas la lointaine perspective de sa possible appartenance à l’OTAN, c’est la volonté de ce pays de rejoindre « l’Ouest » estime Alain Frachon dans le Monde .
« C’est la faute de l’OTAN. » Le pacte militaire euro-atlantique serait responsable des bombardements sur l’Ukraine ! « L’Occident coupable », comme toujours, ânonnent les thuriféraires de Vladimir Poutine. On veut bien condamner le matraquage de Kiev – déplaisant, certes – mais, dans le même souffle, on dénonce le « projet d’annexion de l’Ukraine » par l’entité maléfique OTAN – Etats-Unis. Manière implicite d’excuser partiellement le crime perpétré par la Russie contre l’un de ses voisins.
Est-ce si difficile de dire les choses comme elles sont ? Un dictateur, en mal de reconstitution d’un empire perdu, cette URSS effondrée sous ses propres contradictions, agresse un pays indépendant. Objectif : le casser pour le soumettre ; le terroriser pour l’assujettir à nouveau, « comme avant ». Poutine, l’ordonnateur de l’assaut sur l’Ukraine, appartient à cette génération de Russes venus des services de sécurité, écrit le politologue Ivan Krastev dans le New York Times, qui n’ont jamais digéré la fin de l’URSS : « Construire le futur ne les intéresse pas, ils veulent refaire le passé. »
Ce qui traumatise Poutine dans l’Ukraine d’aujourd’hui, ce n’est pas la lointaine perspective de sa possible appartenance à l’OTAN, c’est la volonté de ce pays de rejoindre « l’Ouest » – le monde démocratique et libéral. Il faut ramener la traîtresse « à l’est », à la maison Russie à laquelle elle appartient. Vladimir Poutine l’a écrit : il n’y a pas de peuple ukrainien. Pourquoi ne voir que figure de rhétorique dans le propos des autocrates ?
La Russie a de légitimes intérêts de sécurité. Américains et Européens lui ont ouvert tous les forums possibles pour en débattre. Le président russe n’est pas intéressé. Il accomplit une mission historique pour, selon ses mots, « dénazifier » et « démilitariser » l’Ukraine. Dans cette folie, que vient faire l’OTAN, qui, sans exclure que ce pays puisse un jour faire partie de ses membres, ne lui a jamais ouvert de procédure d’adhésion ?
Les années de l’hyperpuissance américaine, celles qui ont suivi l’implosion de l’URSS, n’ont pas manqué d’occasions ratées pour imaginer une architecture de sécurité intelligente en Europe. L’exercice ne relevait pas d’une discussion de colloque académique : cette histoire s’est écrite dans le chaos. De la part des Etats-Unis et de leurs alliés, elle a comporté des gestes arrogants et humiliants à l’encontre d’une Russie traumatisée par la perte d’un empire sans lequel elle a, à l’évidence, bien du mal à vivre.
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