Russie: Un échec économique et une dépendance du pétrole
Si le système financier de la Russie n’est pas en déshérence, le modèle économique du pays demeure trop dépendant des recettes provenant du pétrole ou du gaz, estime le professeur d’économie Julien Vercueil, dans une tribune au « Monde ».
L’économie de la Russie commence à ressentir les effets de l’aventurisme militaire du maître du Kremlin. Le 28 février 2022, la Banque centrale de Russie a élevé son taux directeur à 20 %, le rouble a décroché de 30 % tandis que les autorités financières renonçaient à rouvrir le MOEX, principale place financière de Moscou, le temps de prendre les mesures d’atténuation qui pouvaient encore l’être. Depuis le jeudi 24 février, jour de l’invasion de l’Ukraine, les particuliers font la queue devant les distributeurs automatiques et les bureaux de change pour récupérer une partie de leurs avoirs, dans une atmosphère d’incertitude déjà connue à plusieurs reprises depuis la dissolution de l’Union soviétique.
Cette fois, ce n’est pas la chute des cours du pétrole qui est en cause : ils sont au plus haut. C’est la principale différence avec les crises financières de 1998, 2008-2009 ou 2014-2015 qui ont secoué le pays sur fond de chute des cours. Le problème vient aujourd’hui du secteur financier, dont on se demande s’il sera capable de tenir le choc des sanctions occidentales : déconnexion partielle du système Swift [un dispositif de messagerie électronique sécurisée qui permet les transactions bancaires entre les pays], accès interdit aux refinancements en dollars et en euros pour plusieurs acteurs bancaires majeurs et surtout restriction drastique des possibilités pour la Banque centrale de Russie de mobiliser ses réserves en devises, qui atteignent plus de 630 milliards de dollars.
Le système financier russe est atypique. Il s’est construit à la va-vite dans les années 1990 et reste aujourd’hui dominé par les banques, dont les principales sont publiques. Les marchés financiers sont étroits – le président Dmitri Medvedev [président de la Fédération de 2008 à 2012, puis du gouvernement de 2012 à 2020] rêvait de faire de Moscou une place financière majeure en Europe mais il n’y est pas parvenu – et dépendent fortement des valeurs énergétiques et bancaires. Quelques grandes banques privées (Alfa-Bank, Rosbank, filiale de la Société générale) subsistent également, aux côtés de plusieurs centaines de petites entités ayant pour principale activité d’assurer les flux de liquidités pour les entreprises dont elles dépendent. La Banque centrale de Russie et la VEB, une banque publique de « développement » qui investit dans les infrastructures et gère une partie des fonds souverains russes, complètent le paysage.
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