Ukraine : L’intoxication de Poutine

Ukraine : L’intoxication de Poutine

 

Le chercheur ukrainien Anton Shekhovtsov dénonce, dans une tribune au « Monde », la propagande du pouvoir russe sur les prétendus génocides pratiqués par les Ukrainiens dans le Donbass, et note que la population russe reste très défiante face à ces accusations.

 

Tribune.

 

Le 24 février, la Fédération de Russie a officiellement envahi l’Ukraine. L’invasion a fait suite à plusieurs déclarations agressives et paranoïaques de la part du président Vladimir Poutine, ainsi que d’autres représentants des autorités russes ayant décidé de reconnaître deux « républiques populaires » dans des zones du Donbass occupées par la Russie. Aucun mouvement de liesse n’a toutefois été observé dans les rues de Russie après ces annonces.

Le Kremlin et ses représentants n’ont cessé de parler des prétendues souffrances endurées par les Russes du Donbass, prétendument menacés par les autorités ukrainiennes. Mais, en Russie, la propagande du Kremlin ne semble avoir ému personne.

 

En 2014, la situation était différente. La grande majorité des Russes soutenaient et se réjouissaient de l’annexion illégale de la Crimée. La péninsule ukrainienne était inscrite dans la mythologie de la Russie impériale et l’idée d’intégrer la Crimée à la Russie était au cœur de la production culturelle de la Russie post-soviétique. Le Donbass, en revanche, n’a jamais fait partie de la mythologie traditionnelle de la Russie impériale. C’est pourquoi, en 2014, le Kremlin a servi aux Russes le mensonge selon lequel l’Ukraine livrait une véritable guerre contre ses populations russes. La propagande avait très bien fonctionné et aidé à convaincre au moins la moitié de la société russe que le pays avait besoin de soutenir les « républiques » pour protéger les Russes vivant sur le territoire ukrainien.

Mais même en 2014, seule une minorité de Russes a approuvé l’idée d’un soutien militaire aux « républiques ». Huit ans après le début de l’invasion de l’Ukraine, seule une toute petite fraction de la population croit encore que l’Ukraine persécute les populations d’origine russe. C’est le séparatisme armé bénéficiant du soutien militaire, économique et politique de Moscou qui pose un problème à Kiev, et non l’origine ethnique des séparatistes.

La majeure partie des militaires ukrainiens qui sont morts en défendant leur pays de l’agression russe étaient originaires du centre et de l’est de l’Ukraine, là même où les Russes forment une partie conséquente de la population. Si vous entendiez des soldats et des officiers ukrainiens discuter entre eux lorsqu’ils sont de repos, vous constateriez que la plupart d’entre eux parlent en russe. De plus, aux dernières élections, une très grande partie des Ukrainiens a élu un acteur russophone d’origine juive, Volodymyr Zelensky, le président actuel – ce qui dément le fait que la société ukrainienne aurait un problème avec les populations russes ou, d’ailleurs, avec les juifs.

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