Poutine , comme Hitler?

Poutine , comme Hitler?

Alain Bergounioux et Telos  ( Slate.fr)

La posture méthodique et l’offensive militaire du président russe peuvent rappeler celles du leader du Troisième Reich. Jusqu’à quel point?

Tout le monde convient que Vladimir Poutine n’est pas Adolf Hitler, le premier entend rétablir l’empire russe, territorialement avec les territoires russophones, internationalement, avec ses zones d’influence, le second voulait imposer une domination totale sur l’Europe et dans le monde, avec un empire fondé sur la race, conquérant et destructeur.

Une mise en perspective peut cependant être utile. Car les points communs ne sont pas négligeables.

Le premier tient au fait que ce sont deux dictateurs. Les types d’État ne sont, évidemment, pas les mêmes, mais leur pouvoir personnel est une réalité. Les intellectuels et les politiques français qui évoquent les élections, dans la Russie d’aujourd’hui, ne manquent pas d’audace! Quand les opposants sont en prison ou empêchés de concourir, quand les médias sont étroitement contrôlés, quand les associations de la société civile sont dissoutes, quand elles contestent les affirmations du pouvoir et son histoire officielle, comme récemment l’association Mémorial, il devrait être difficile de parler de démocratie. Ou alors les mots n’ont plus de sens.

Dans le texte commun, publié par la Chine et la Russie, lors de la rencontre entre Vladimir Poutine et Xi Jingping, lors de l’inauguration des Jeux olympiques à Pékin, la revendication de la «vraie» démocratie pour leurs régimes, opposée à la fausse démocratie occidentale décadente, devrait rappeler toute la propagande sur les «démocraties populaires» dont l’histoire a montré toute la vanité.

Le second point commun tient au type de légitimité qui a nourri et nourrit ces deux dictatures, le nationalisme. Pour Hitler, il s’agissait de venger l’Allemagne de l’humiliation du Traité de Versailles, pour Vladimir Poutine, il s’agit de venger la Russie de l’humiliation de la décennie qui a suivi l’effondrement de l’URSS. Cela explique le soutien que ces régimes peuvent avoir dans leurs opinions, tant que les victoires (et les gains) sont là.

Les politiques qu’ils mènent ne peuvent être que des politiques de puissance. La défaite militaire ou diplomatique n’est pas permise sous peine de voir s’effriter ou, même, s’effondrer le pouvoir des dictateurs et de leurs régimes.

Savoir ce que l’on veut, comme Vladimir Poutine, donne un avantage sur ceux qui ne le savent pas réellement.

Il y a, enfin, un troisième point commun, et c’est, aujourd’hui, incontestablement, le plus évident, il concerne la méthode. Tous les deux ont clairement annoncé leurs intentions et leurs projets politiques. Ils les ont même écrits et publiés…

On pense, bien sûr, au Mein Kampf d’Adolf Hitler. Mais Vladimir Poutine a fait paraître, cet été, un long article dans lequel il expose sa vision de l’histoire de la Russie et de son destin, dans laquelle L’Ukraine ne peut que faire partie de la Mère Patrie, illustrée, encore, par son discours du 21 février, qui annonce la reconnaissance de l’indépendance des Républiques auto-proclamées du Donbass, sans préciser, d’ailleurs, leurs frontières précises. Il est difficile de prétendre ne pas savoir quels sont ses objectifs finaux!

Savoir s’ils seront atteints est autre chose. En tout cas, pour y arriver, il mêle les manœuvres militaires et les manœuvres diplomatiques, les prises de force des territoires et les promesses diplomatiques, démenties aussitôt que les rapports de force lui sont favorables.

Il est intéressant de rappeler le processus qui a eu lieu dans les années 1930. L’intention claire de Adolf Hitler était de mettre en pièces le Traité de Versailles. Et il l’a fait méthodiquement, par une rhétorique violente, accompagnée d’actes, en jouant sur les aspirations à la paix dans les opinions européennes, bien compréhensibles après la saignée de la Première Guerre mondiale. Le réarmement de l’Allemagne, en 1935, a été le premier test. Les atermoiements de la France et de l’Angleterre, principalement, l’ont convaincu qu’il pouvait aller plus loin. En février 1936, la remilitarisation de la Rhénanie a été le point tournant.

Les historiens, en effet, aujourd’hui, s’accordent à considérer que les forces militaires étaient, alors, encore en faveur des deux démocraties –c’était bien, d’ailleurs, ce que craignaient nombre de généraux allemands. Mais l’Angleterre n’a pas voulu remettre en cause sa politique d’«apaisement», et le gouvernement français a craint d’être amené à décréter une mobilisation générale comme le réclamait l’état-major en cas de conflit. Ce fut, à ce moment, que Adolf Hitler a commencé à prétendre que c’était la dernière revendication de l’Allemagne…

En mai 1936, le même schéma a joué lors de l’Anschluss, entraînant l’annexion, de fait, de l’Autriche. Le manque de réactions internationales, et la bascule de l’Italie mussolinienne de son côté, ont achevé de persuader Adolf Hitler que la réunion de tous les territoires peuplés de populations allemandes était à sa portée.

Ce fut tout le drame de la conférence de Munich, en septembre 1938 –souvent évoquée ces jours-ci. Il s’agissait de «protéger» une minorité allemande, les Sudètes, dite opprimée dans la République tchécoslovaque. Adolf Hitler a commencé par menacer d’utiliser la force pour ce faire. Un compromis, proposé par le Premier ministre britannique, Neville Chamberlain, venu à Berlin, le 15 septembre, a été en apparence accepté, pour être dénoncé, le jour suivant, par le Chancelier, qui avançait de nouvelles exigences pour affaiblir la défense tchécoslovaque. L’Europe s’est crue, cette fois, au bord de la guerre.

Une initiative de Mussolini a amené la conférence à quatre de Munich, le 29 septembre, sans la présence du président tchécoslovaque, Édouard Benes. Elle signa le quasi abandon de la Tchécoslovaquie et permit au chancelier allemand de redire que cela était sa «dernière revendication».

Il ne faut certes pas calquer les situations. Mais il y a des similitudes dans les méthodes qu’il ne serait pas raisonnable d’ignorer. Ce mixte d’usage de la force et de la diplomatie ne peut tromper que ceux qui n’ont pas les idées claires. Savoir ce que l’on veut, comme Vladimir Poutine, donne un avantage sur ceux qui ne le savent pas réellement. C’est ce qui se joue depuis 2008, avec la crise géorgienne, depuis 2014, avec l’annexion de la Crimée et l’autonomisation des deux Républiques du Donbass.

Une autre ressemblance avec les années 1930 est l’influence d’un troisième acteur, et non des moindres, dans le face-à-face de la Russie poutinienne et des pays occidentaux, la Chine, qui est, aussi, une «puissance révisionniste», comme on le disait alors, qui a, également des humiliations à venger et qui a acquis un poids considérable dans le monde, à l’image du Japon impérial, entré dans un «axe» avec l’ Allemagne nazie et l’Italie fasciste.

En revanche, une différence, à laquelle il faut penser, tient dans les données militaires. En 1936, et même en 1938, l’armée allemande n’avait pas une supériorité sur celles de la France et de l’Angleterre. Aujourd’hui, la force de l’armée russe, reconstruite et modernisée depuis vingt ans, est patente, avec des armements perfectionnés et destructeurs, et la Russie est une grande puissance nucléaire, comme l’a marqué Vladimir Poutine lors de sa conférence de presse avec Emanuel Macron.

Une guerre globale n’est pas envisageable, compte tenu de la masse de destructions prévisibles, ce qui donne un avantage à Vladimir Poutine, qui ne manque pas de souligner que l’Ukraine, d’une manière ou d’une autre, devra appartenir à la sphère d’influence de la Russie.

La première, et la meilleure, des réactions des Occidentaux doit être, avant tout, de prendre conscience de leurs valeurs et de leurs intérêts communs. Nous sommes dans une nouvelle période historique. Il y a, à l’évidence, une redistribution des rapports des forces à l​’échelle du monde. Mais il y a aussi un combat de valeurs pour défendre nos démocraties libérales, rejetées par la Russie et la Chine et par nombre de pays dictatoriaux et contestées, malheureusement, de l’intérieur.

Les sanctions annoncées et à venir sont nécessaires et, même si elles ne sont pas décisives, elles sont un moyen d’affirmer une unité sans laquelle nous ne serons plus, en Europe, que des «objets» pour les autres puissances. L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe le 24 février le montre à l’évidence.

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