Quelle économie de services de demain ?

Quelle économie de services de demain ?

 Laurent Gerin , président des opérations de CGI pour l’Europe de l’Ouest et du Sud décrypte la future économie de services dans l’Opinion 

 

Pôle Emploi le soulignait récemment, 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore. Un chiffre qui, forcément, interpelle. Mais c’est un fait… Dans sa vie professionnelle, l’enfant d’aujourd’hui, devenu adulte, aura recours au quotidien à des outils de réalité virtuelle augmentée, à des vidéos holographiques ou à des représentations 3D, qu’il travaille dans une usine ou dans un bureau. A l’autre bout de la chaîne générationnelle, les seniors seront plus que jamais des utilisateurs réguliers de services digitaux pour se soigner, accomplir leurs démarches administratives, et communiquer – un mouvement largement accéléré par la crise sanitaire que nous connaissons depuis bientôt deux ans.

 Cette perspective nourrit pourtant des réflexes frileux. Ainsi, les pourfendeurs du numérique répètent à l’envi que son développement conduit inexorablement à la destruction massive d’emplois. L’histoire nous invite pourtant à prolonger le raisonnement. Au milieu du XIXe siècle en France, un actif sur deux travaillait dans l’agriculture. Aujourd’hui, les agriculteurs ne représentent plus que 3% de la population active, ce qui n’empêche pas l’agriculture française d’être l’une des plus performantes au monde. La révolution industrielle est passée par là, ouvrant la voie à une mutation profonde de notre vie économique. Certes, des activités ont disparu, mais l’intelligence humaine a fait émerger de nouvelles techniques, de nouveaux modèles, de nouvelles attentes et par conséquent, de nouveaux débouchés.

Une conclusion évidente s’impose dès lors : nous devons nous attacher à préparer les futures générations aux emplois de demain. Dire cela, c’est assumer lucidement que la « servicisation » de notre économie s’accélère et qu’elle est inéluctable. La place prépondérante de l’individu, le rapport au travail, la durabilité dessinent, au cœur de la France de demain, une société résolument tournée vers les services, promouvant une économie circulaire fondée par exemple sur la réparabilité ou le réemploi et centrée sur l’accompagnement de chacun. Ce dernier point est d’ailleurs emblématique. D’ici trente ans, le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans aura triplé dans notre pays. Enorme sera l’impact démographique, économique, mais aussi culturel de cette nouvelle donne pour notre modèle économique et social.

Près de 80 000 postes ne sont pas pourvus dans le numérique en France, faute de profils adaptés

Un profond changement de paradigme, donc, à la mesure de tout ce que nous devons anticiper. Sur le terrain, nous le constatons tous les jours : l’effort d’une formation ciblée dédiée tant aux futurs entrants sur le marché du travail qu’à ceux qui s’y trouvent, est incontournable. Mettre l’accent sur les services heurte parfois l’esprit français. Comme si nos industries d’excellence au sens large constituaient notre seule fierté nationale et notre unique planche de salut. Il faudra pourtant bien évoluer, car axée sur les services et le numérique, oui, la société qui s’annonce le sera pleinement. Cela implique de pouvoir mobiliser les cerveaux et les bras qui assureront le bon fonctionnement des portails administratifs, des sites de commerce en ligne, de l’enseignement à distance et de notre modèle de e-santé, qui va connaître un essor incroyable dans les prochaines années.

Le fait que les ressources dédiées à une telle transformation manquent à l’appel est aujourd’hui largement connu. Près de 80 000 postes ne sont pas pourvus dans le numérique en France, faute de profils adaptés. Ce que bien peu savent, en revanche, c’est que le vivier de talents numériques s’amenuise d’année en année. Ce faisant, c’est la compétitivité même de notre pays qui se trouve menacée, sa capacité à innover et à imaginer le monde de demain. Certes, nous pouvons être fiers de nos licornes. Mais elles ne font pas tout et ne représentent surtout qu’une petite part du potentiel de notre industrie numérique, qui représente aujourd’hui plus de 6% du PIB. Mais qui se saisit de ces sujets ? Les candidats et candidates à l’élection présidentielle n’ont hélas jusqu’à présent pas vraiment placé au cœur de leurs projets, ces perspectives inédites ou les outils censés servir le savoir opérationnel des travailleurs de demain. A force de laisser libre cours au déclinisme le plus démotivant, notre pays est en train de louper une marche : celle d’un futur enviable qu’il nous revient de construire en identifiant les vrais besoins, pour concevoir les justes réponses.

A l’aube du grand débat démocratique que représente le rendez-vous présidentiel, chacun est en droit d’attendre l’affirmation de diagnostics et surtout de solutions. Un peu d’audace, un peu de confiance ! La France est une terre où le génie créatif a encore tant à exprimer. Ne négligeons ni les vrais défis, ni nos vrais atouts. Et agissons avec une conviction forte en tête : les services et le numérique constituent des atouts de choix pour lutter contre le réchauffement climatique ainsi que pour la souveraineté, la réindustrialisation et la compétitivité à long terme de notre pays.

Laurent Gerin est président des opérations de CGI pour l’Europe de l’Ouest et du Sud

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