Pour des médicaments plus accessibles ?
Pierre Dubois et Stéphane Straub, professeurs d’économie à TSE, suggèrent dans la Tribune que l’achat centralisé par le secteur public et l’augmentation de la concurrence peuvent réduire considérablement les prix des produits pharmaceutiques pour ceux qui en ont besoin.
Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les prix des médicaments essentiels, tels que les traitements contre le cancer, les antirétroviraux et les antibiotiques, varient considérablement, les prix locaux étant parfois plusieurs fois supérieurs au niveau de référence international le plus bas pour les équivalents génériques. Par exemple, parmi un groupe de neuf molécules communes achetées par les pays inclus dans notre analyse, le prix moyen entre les pays varie d’un facteur 16. Même au sein des pays, les données montrent des variations allant jusqu’à 300 % selon les canaux d’approvisionnement. Les prix élevés épuisent les budgets de santé publique et génèrent des lacunes en matière d’accès, en particulier pour les plus démunis.
La question des brevets
Les achats groupés – par lesquels plusieurs acheteurs, qu’il s’agisse d’institutions d’un seul pays ou d’agences sanitaires de plusieurs pays, regroupent leurs achats – sont un mécanisme clé pour réduire les prix. Cependant, la recherche économique sur la question de l’accès abordable aux médicaments s’est surtout concentrée sur la question des brevets sur laquelle se focalise également le débat public. Mais les brevets n’expliquent pas les fortes majorations pratiquées, étant donné que la plupart des médicaments achetés dans les pays en développement sont génériques, c’est-à-dire qu’ils ne sont plus protégés par des brevets.
Notre étude suggère que d’autres facteurs – tels que le pouvoir de marché des fournisseurs et la taille des acheteurs, ainsi que le type de mécanisme d’approvisionnement – jouent un rôle crucial dans la détermination des prix locaux, en particulier pour les médicaments non brevetés. Nous avons analysé les données de sept pays en développement de 2015 à 2017 : Afrique du Sud, Inde, Philippines, Sénégal, Serbie, Tunisie et Zambie. Nous avons étudié les quantités vendues et les dépenses pour un éventail très large de médicaments, notamment les antibiotiques, les antihypertenseurs et les contraceptifs.
Notre principale conclusion est que la centralisation des achats permet aux acheteurs publics d’obtenir des prix plus bas. Nous constatons également que la réduction est plus faible lorsque les fournisseurs ont plus de pouvoir de marché. En effet, cette réduction disparaît lorsque le secteur public est confronté à une forte concentration de fournisseurs pour un produit donné.
Nous suggérons que la concentration de la demande peut renforcer le pouvoir de négociation des acheteurs publics, leur permettant d’obtenir des prix plus compétitifs. En outre, les acheteurs centralisés sont susceptibles d’acheter de plus grandes quantités, ce qui leur permet d’obtenir des réductions de prix sur les commandes plus importantes. Ces deux mécanismes sont difficiles à démêler, dans la mesure où ils interviennent simultanément. Nos résultats ont également des implications concernant les politiques publiques favorisant l’augmentation de la concurrence du côté de l’offre. De telles politiques pourraient générer une baisse importante des prix des médicaments dans les pays qui les mettent en place.
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