Politique-Redéploiement“Barkhane” : Une stratégie condamnée à l’échec
Alors que son objectif majeur en Afrique était d’affirmer son statut de puissance internationale, la France se trouve aujourd’hui réduite à élaborer une stratégie d’« invisibilisation » de sa présence militaire au Sahel, analyse un papier du « Monde ».
Tribune.
La question n’est plus aujourd’hui de savoir si la France restera engagée militairement au Mali, puisque la détérioration de sa relation avec les autorités maliennes la contraint à quitter le pays. La question est plutôt désormais de déterminer si et comment elle pourra rester engagée au Sahel.
Le retrait du Mali est devenu inéluctable à force d’avoir, aussi désespérément que déraisonnablement, cherché à dissocier l’intervention militaire française du contexte politique et de la relation diplomatique. A cet égard, il est important de rappeler que, si les tensions entre les autorités françaises et maliennes ont atteint leur paroxysme à la suite du second coup d’Etat en mai 2021, les divergences d’ordre politique n’ont, en réalité, cessé de s’accumuler depuis le début de la crise. Ces désaccords majeurs se sont conjugués à l’impossibilité pour l’opération « Barkhane » de convertir ses succès tactiques en victoire stratégique, révélant son incapacité, tout comme celle des autres acteurs nationaux et internationaux, à endiguer une inexorable dégradation de la situation sécuritaire du Sahel.
Le retrait militaire de la France à travers le départ de « Barkhane » du Mali, ainsi que de ses partenaires européens engagés dans le cadre de la « Task Force Takuba », laissera à l’évidence un vide sécuritaire, qui pèsera notamment sur l’avenir de la Minusma [Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali] et sa mission de protection des civils. Il fragilisera aussi durablement la zone des trois frontières : la fermeture des bases de Gao et de Ménaka sera un grave motif de préoccupation, notamment pour le Niger.
Plus largement, l’évolution de la situation du Mali dépendra de trois paramètres essentiels : tout d’abord, les résultats obtenus par l’offensive engagée par les FAMa (Forces armées maliennes) avec l’appui de leurs partenaires russes ; ensuite, l’issue des affrontements violents entre les deux principaux groupes djihadistes actifs sur le territoire malien (le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans [GSIM, affilié à Al-Qaida] et l’Etat islamique au Grand Sahara) ; enfin, l’avenir des négociations avec les chefs djihadistes envisagées par les autorités maliennes successives depuis les recommandations formulées fin 2019 dans le cadre du dialogue national inclusif.
Si le désengagement stratégique du Mali est devenu inévitable, la France n’en affirme pas moins sa détermination à demeurer profondément investie au Sahel. Les conditions pour y prolonger sa présence militaire selon les options initialement envisagées – basculement du dispositif vers le Niger, maintien d’un fort contingent de 2 500 à 3 000 hommes jusqu’en 2023, poursuite des missions européennes de formation EUTM et Eucap Sahel – ne sont plus réunies.
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