Le détournement de l’investissement responsable

Le détournement de l’investissement responsable

 

Les maisons de retraite Orpea, au centre d’un scandale de maltraitance de personnes âgées, avaient pourtant parmi les meilleures « notes » de respect de normes sociales, relève, dans sa chronique, Eric Albert, journaliste au « Monde ».

 

Chronique. Au départ, comme souvent en finance, se trouve une bonne idée. De plus en plus d’investisseurs souhaitent que leur argent se dirige vers des entreprises éthiques. C’est particulièrement vrai chez les jeunes générations qui ne veulent pas faire fructifier tabac, armes ou pollution.

De cette volonté, souvent sincère, est née une classification : des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont attribués aux entreprises. Progressivement, une véritable industrie a prospéré sur cette idée, déclinant de savantes études toujours plus sophistiquées sur les pratiques des sociétés, avec moult sigles, scores et tableaux comparatifs.

Jusqu’à 1 000 critères

Le MSCI World Index (anciennement Morgan Stanley Capital International), spécialisé dans la création d’indices boursiers, note l’ESG des entreprises de « CCC » à « AAA », sur un modèle rappelant les agences de notation. BlackRock, plus grande société d’investissement au monde, préfère attribuer des notes entre 0 et 40. ISS, une société de conseil, se vante d’analyser plus de 1 000 critères dans sa méthodologie.

La vacuité de ces classements est apparue avec le scandale des maisons de retraite Orpea. Le groupe est accusé de pratiques honteuses dans Les Fossoyeurs, le livre enquête de Victor Castanet (Fayard, 400 pages, 22,90 euros). Il y est question de personnes âgées laissées dans leurs excréments parce que les couches sont rationnées, de lits médicalisés défectueux, d’escarres grosses comme le poing, au nom d’une rentabilité financière effrénée.

Pourtant, dans son dernier rapport annuel, paru avant le scandale, l’entreprise se vantait de ses excellentes notes ESG. ISS lui donnait « C » alors que 75 % du secteur des maisons de retraite faisaient moins bien. Gaïa Rating lui attribuait 69 points, tandis que la moyenne du secteur était de 52. Comment Orpea a-t-il réussi ce miracle ? Le groupe expliquait « faire œuvre de transparence en répondant régulièrement aux questionnaires des agences de notation extrafinancières ». Il organisait aussi des visites des établissements pour les analystes ESG. Force est de constater que ceux-ci sont complètement passés à côté du problème.

Les fournisseurs de notes ESG n’utilisent pas toutes les mêmes critères ni les mêmes méthodes

Une bonne note ESG n’est pas un simple avantage marketing. Elle permet aussi d’attirer les investisseurs. Grâce à sa bonne note, Orpea s’est retrouvée présente dans toute une série d’indices boursiers soi-disant vertueux : FTSE4Good, Stoxx France 90 ESG-X, etc. Ces indices sont aujourd’hui très influents : un investisseur qui se veut « responsable » peut donner comme instruction d’y mettre son argent, sans nécessairement connaître dans le détail chacune des entreprises le composant.

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