La gauche ne veut pas du pouvoir
« Au fond, la réélection d’Emmanuel Macron ne nous dérange pas tant que ça. Elle nous permet de nous réfugier derrière nos lâchetés, se désole Thibault Berger. (Militant de gauche) dans le Monde parce qu’au fond, l’enjeu, pour la gauche, c’est surtout de faire le dos rond dans le confort financier et politique de l’opposition. »
Et c’est en même temps se griller les ailes dans le feu de la gestion.
Cette lettre est un cri du cœur d’un militant de gauche de moins de trente ans, socialiste à l’origine, toujours socialiste mais un peu dérouté (est-ce devenu un pléonasme ?). Cri du cœur face à l’irresponsabilité et la désinvolture des partis politiques de gauche – tous – vis-à-vis de l’élection présidentielle.
Les militant(e)s de gauche voient se dérouler sous leurs yeux désespérés (pour 80 % d’entre eux, si j’ai bien compris les sondages) la triste conclusion d’une pièce tragicomique conduisant inéluctablement à la victoire de la droite dans l’indifférence la plus générale. Il n’y en a finalement pas un(e) pour rattraper l’autre : Mélenchon propose un pacte de non-agression, tout le monde s’en fiche ; Jadot propose un socle commun, tout le monde s’en fiche; Hidalgo propose une primaire (puis finalement non), tout le monde s’en fiche; Taubira appelle à rejoindre la Primaire populaire, tout le monde s’en fiche.
Qu’importe si les électeurs de gauche souhaitent majoritairement une dynamique commune. Cela dit beaucoup du caractère non démocratique de nos partis. Qu’importe si l’effet démobilisateur est terrible et conduit toutes les courbes de sondages à se rapprocher dangereusement de l’abscisse et de son précipice. Cela dit beaucoup de notre envie de prendre le pouvoir.
Il ne s’agit pas de dire que nous sommes tous d’accord et que « l’union », sorte de baguette magique réglant tous les problèmes de la gauche, puisse se faire autour d’un bon dîner entre camarades. Mais l’absence totale de volonté d’y arriver – de ne serait-ce qu’entamer une réflexion programmatique – est la plus grande trahison faite par la gauche à ce pays. Les électeurs en feront payer le prix très chèrement aux partis politiques responsables. A ce stade, je ne suis d’ailleurs pas sûr que ce soit une si mauvaise nouvelle que ça, tant les partis politiques sont des structures datées, sans âme et sans avenir, qui ne font que plomber les dynamiques politiques locales, associatives ou militantes de transformation de la société.
Trahison, car soyons très clairs : si la gauche pensait vraiment que ce mandat est le mandat de la dernière chance pour éviter une catastrophe écologique, si la gauche pensait vraiment que ce mandat était un mandat de combat pour la démocratie et contre la diffusion d’idées racistes, réactionnaires, fascistes, si la gauche pensait vraiment que la misère sociale s’aggrave et que la moitié de ce pays est dans le rouge le 10 du mois, alors elle s’unirait. Alors elle se bougerait. Les postes, les egos, les remboursements de frais de campagne, les divisions stériles et les rancœurs passéistes disparaîtraient face à l’imminence du péril.
Mais, forts de nos statuts (profs, fonctionnaires, cadres…), forts de nos revenus, forts de nos privilèges, au fond, on se sait protégé(e)s. Au fond, la réélection d’Emmanuel Macron ne nous dérange pas tant que ça. Elle nous permet de nous réfugier derrière nos lâchetés et la professionnalisation de la politique. Parce qu’au fond, l’enjeu, pour la gauche, c’est surtout de faire le dos rond dans le confort financier et politique de l’opposition en attendant que l’orage passe et que, le ou la moins médiocre des survivant(e)s, puisse gentiment reprendre le pouvoir et recommencer un nouveau cycle.
Enfin, si les Français(es) nous le pardonnent un jour.
Il est pourtant encore temps d’agir, de s’appuyer sur les dynamiques locales et de s’unir partout où cela est possible, quitte à laisser derrière nous les partis qui nous bloquent. Il est pourtant encore temps d’être à la hauteur du moment.
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