Encore une instrumentalisation de la question environnementale des océans
Entre effet d’annonce et évitement des problèmes de fond, le One Ocean Summit est un échec, estime Claire Nouvian, dans une tribune au « Monde », la fondatrice de l’association Bloom pour la défense de l’océan.
Tribune.
Sans surprise aucune, le sommet de l’océan organisé à la va-vite par la France, et qui s’est tenu à Brest du 9 au 11 février, a été à la fois un embarrassant flop diplomatique et une occasion ratée de réfléchir sérieusement à la façon de réinventer notre rapport à l’océan afin qu’il devienne pérenne, responsable et respectueux des humains et des écosystèmes. En écrivant ces lignes politiquement correctes, en laissant croire que l’occasion a seulement été « ratée », je me laisse une chance de convaincre mes détracteurs potentiels, mais je contribue aussi à l’imposture.
Puisque le compte à rebours est enclenché pour maintenir les conditions d’habitabilité de la planète, quel autre choix avons-nous que de cesser de nous mentir ? La correction politique n’est plus de mise et la réalité de ce sommet, c’est qu’il n’a pas servi à grand-chose, sinon à confirmer la « méthode Macron » en matière écologique : instrumentaliser les annonces avant les échéances électorales et les calibrer pour optimiser leur effet médiatique tout en minimisant leur portée environnementale.
Il faut reconnaître que le président est arrivé à un tel degré de maîtrise de la communication que, sans être fin connaisseur des dossiers, il est presque impossible de ne pas se laisser berner. Le sommet pour l’océan est un cas d’école pour quiconque voudrait analyser sa « méthode environnementale ». Il commence par faire de la programmation neurolinguistique : il martèle des éléments de langage qui le font passer pour un militant de la planète.
Ensuite, il égrène les enjeux de l’agenda international. Il appelle, par exemple, avec beaucoup de conviction à la réussite des négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) visant à mettre fin aux subventions menant à la surpêche dans le monde. C’est fourbe, ça fonctionne : sans prendre le moindre engagement, ni même clarifier la position de la France sur cet enjeu majeur, le président crée l’illusion d’être courageux sur des sujets structurels qu’en réalité il évite soigneusement et fait même reculer.
Rappelons que son gouvernement a appuyé la réintroduction des catégories d’aides publiques les plus dangereuses pour l’océan pendant la réforme de l’instrument financier européen de la pêche.
La méthodologie présidentielle se poursuit avec des annonces environnementales « à double fond » qui, appuyées par des chiffres impressionnants, jettent de la poudre aux yeux, alors qu’elles dissimulent une porte de sortie permettant de ne pas porter préjudice aux intérêts financiers, industriels ou commerciaux. Le président a, par exemple, grâce à un décret signé le matin même, annoncé avoir dépassé, les objectifs internationaux de protection de 30 % de notre territoire marin. Incroyable. Applaudissements.
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