Contre l’accession à la propriété !
Les candidats de droite veulent faciliter l’accès à la propriété immobilière, pour des raisons tant politiques que morales, observe l’économiste Philippe Askenazy dans sa chronique.Une sorte de controverse classique de la gauche vis-à-vis de la propriété qui préfère sans doute la concentration urbaine dans les grandes monopoles.( Peut-être la solution à mais à condition de posséder une résidence secondaire au Touquet ou à Saint-Tropez ?) ( dans le Monde)
Chronique.
La question du patrimoine est revenue en force dans les débats présidentiels. Les droites rivalisent de propositions pour une « France de propriétaires », selon les mots de Valérie Pécresse. Un des plus précis est Eric Zemmour, qui propose une suppression des frais dits « de notaire » – qui représentent 7 % à 8 % du montant d’un bien – pour les jeunes acquéreurs d’une résidence principale.
Sur le plan de l’économie politique, le « tous propriétaires » permet de contourner les débats sur une taxation des successions et, plus généralement, du patrimoine : d’une part, l’accès de tous au patrimoine réglerait la question de la répartition inégalitaire des patrimoines ; d’autre part, plus il y aura de propriétaires, plus il y aura d’opposants à toute forme de taxation de la propriété, et plus les grandes fortunes seront préservées… Enfin, si chacun possède l’assurance de disposer d’un patrimoine, il est possible de réduire le capital de tous que représente la protection sociale, en particulier les systèmes de retraite.
Mais l’adhésion des droites françaises conservatrices à ce principe ne se résume pas à cette dimension politique. Elles demeurent convaincues des bienfaits de la propriété, notamment sous l’influence des travaux de Frédéric Le Play (1806-1882). Cet ingénieur, inventeur de la notion de « famille souche » – vu par certains comme précurseur, voire fondateur, de la sociologie française –, écrit : « plus j’étudie le problème social et plus je m’assure que le premier degré du bien-être ne consiste pas à étendre les satisfactions physiques, mais bien à créer les jouissances morales que donne la propriété » (La Réforme sociale en France : déduite de l’observation comparée des peuples européens, 1864). L’accès à la propriété renforce l’unité familiale. Il transforme l’individu en un membre plein d’une communauté locale, qui s’investit dans les associations, l’Eglise ou les affaires publiques. La valeur de long terme du bien familial dépendant des externalités positives d’un voisinage agréable, parents et enfants ont intérêt à entretenir leur bien, mais aussi à respecter la propriété des autres, s’éloignant ainsi de toute forme de délinquance.
Les travaux quantitatifs des sciences sociales peinent toutefois à en démontrer les bienfaits. Les dangers théoriques pour le fonctionnement de l’économie sont également difficiles à confirmer : plus le capital productif est mobile, plus l’inertie induite par la propriété serait individuellement et collectivement coûteuse. Car, en fixant les travailleurs dans leur logement, la propriété réduirait la mobilité de la main-d’œuvre, accroîtrait les risques de chômage et la perte de compétitivité des territoires manquant de main-d’œuvre.
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