Chute du niveau de l’école : Les programmes pas responsables
Les contenus des enseignements scolaires sont modifiés d’abord pour accompagner les réformes et pour s’adapter à l’évolution du système éducatif et de la société, explique Philippe Raynaud, vice-président du Conseil supérieur des programmes, dans un entretien au « Monde ».
Philippe Raynaud, professeur émérite de science politique, est vice-président du Conseil supérieur des programmes (CSP). Il a suivi le travail de révision des contenus d’enseignement menés par le CSP, de la maternelle au lycée.
On parle beaucoup de chute du « niveau » des élèves. Est-ce que les programmes ont une responsabilité ?
Cette question du niveau des programmes ne me semble pas être la bonne porte d’entrée. On ne réécrit pas des programmes dans le but de relever le niveau, même si on vise, évidemment, à les rendre les plus rigoureux possible.
Le plus souvent, comme cela a été le cas pour le lycée durant ce quinquennat, on ajuste les programmes aux réformes entreprises – en l’espèce, une nouvelle architecture et de nouvelles matières. Les programmes sont faits pour inspirer l’action des enseignants, de manière à ce que les élèves puissent les apprendre et les assimiler, en lien avec l’évolution du système éducatif, de la société, de l’enseignement supérieur. Le fil rouge est celui-là. Il va dans le sens d’une plus grande efficacité de l’école. Mais est-ce que le niveau monte parce qu’on élargit le champ des apprentissages ? Est-ce que, au contraire, en le resserrant, on approfondit mieux les notions ? La réponse ne va pas de soi. La notion de niveau est porteuse de polémiques.
D’où ces polémiques viennent-elles ?
Souvent, elles viennent d’une confusion entre les programmes et les manuels. Des parents nous interpellent : « Vos programmes ne sont pas bons. Dans le manuel de mon enfant il y a tel point qui pose problème. Ou tel point que je ne trouve pas… » L’écriture des manuels est du ressort des éditeurs. Quand un nouveau programme paraît, un temps d’ajustement est nécessaire pour que les manuels s’adaptent.
Comment réécrire des programmes sans les rendre plus lourds ?
Eternel problème que celui des programmes surchargés ! Mais pourquoi le sont-ils, alors que tout le monde sait qu’ils devraient l’être moins ? Parce que – quel que soit le niveau, quelle que soit la discipline – des associations, des politiques, des parents nous interpellent. Chacun y va de sa demande. On voit aussi des tribunes fleurir dans la presse. C’est le jeu démocratique… et c’est infini. Mais la logique d’un programme ne peut pas être dictée par la commande. Pour éviter la surcharge, notre rôle est de donner des lignes directrices, de fixer ce qui est prioritaire.
Il faut donc faire des choix. Comment ?
Disons que nous aidons le ministère à préparer des choix qu’il lui revient de faire, et qui ne peuvent jamais contenter tout le monde. En sciences économiques et sociales, nous avons recentré les programmes sur la microéconomie plutôt que sur les discussions doctrinales. Nous pensons avoir abouti à de meilleurs programmes, et on nous reproche pourtant des « impasses ». En philosophie, nous avons élargi le canon de grands auteurs en ajoutant des auteurs de culture arabe, chinoise, indienne… En histoire, nous recevons des demandes constantes pour valoriser la place des femmes, l’histoire coloniale.
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