Les racines de la radicalité

Les racines de la radicalité

Notion à la fois stigmatisante et valorisante, la radicalité est un vocable politique qui est en train de passer de la gauche à la droite. ( un papier du « Monde »)

Histoire d’une notion.

 

C’est le mot repoussoir. Ou bien une posture brandie comme un étendard. La radicalité est plus souvent employée pour discréditer une pensée et renvoyer à l’outrance, voire à la violence d’un mouvement ou d’un camp. Dans le langage courant, la radicalité se confond souvent avec l’extrémisme. Mais elle est parfois revendiquée afin de désigner l’urgence d’un constat ou l’intransigeance d’un combat.

Aujourd’hui, explique l’historien des idées François Cusset, l’usage du terme « radical » est « une stratégie de délégitimation de toute forme d’opposition politique non électorale, et une manière de renvoyer dos à dos l’extrême gauche et l’extrême droite, qui depuis toujours vise à faire passer le mouvement social pour un fascisme rouge, une hystérie politique dangereuse ».

Actuellement, résument Valérie Bonnet, Béatrice Fracchiolla et Lilian Mathieu, chercheurs en sciences sociales qui ont coordonné un dossier de la revue Mots consacrée au sujet, « la radicalité peut autant être revendiquée comme un label valorisant  par ses connotations d’intransigeance, voire de rudesse politique, comme dans le cas du groupuscule néofasciste Unité radicale –, ou jouer comme un stigmate  comme lorsque le qualificatif de radical sert à disqualifier un féminisme considéré comme outrageusement hostile aux hommes ou trop exigeant » (« De la racine à l’extrémisme. Discours des radicalités politiques et sociales », Mots, n° 123, ENS éditions, juillet 2020).

« Radical » est un mot forgé sur le bas latin radicalis, issu de radixradicis (« racine »), qui désigne, depuis le XVe  siècle « ce qui tient à la racine, au principe d’un être ou d’une chose, donc ce qui est profond », rappelle le Dictionnaire historique de la langue française, dirigé par le linguiste Alain Rey (Le Robert, 2002). Nombre d’auteurs qui se réclament d’une certaine radicalité n’hésitent pas à renvoyer à son origine latine. Ainsi pour Marx, être radical, c’est « saisir les choses à la racine », écrit-il dans Critique de la philosophie du droit de Hegel (1844). Dans cette acception, la radicalité ce n’est pas l’extrémisme, mais tout d’abord une pensée conséquente de l’analyse des fondements (d’un problème, d’une question, d’une condition). Dans un usage plus courant, elle désigne l’intransigeance d’une pensée qui va jusqu’au bout de ses conséquences, parfois même une forme de rigorisme ou d’intégrisme.

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