L’enjeu de l’accès aux algorithmes
Des chercheurs, des acteurs du numérique ainsi que des élus, rassemblés dans un collectif, demandent, dans une tribune au « Monde », à ce que la régulation européenne des nouvelles technologies en cours d’étude permette à la recherche d’accéder à leurs données.
Scandales à répétition, potentielles interférences aux processus démocratiques, augmentation continue de la haine en ligne, impacts psychologiques… Selon une étude publiée en ligne le 2 septembre 2020, les algorithmes sous-jacents au fonctionnement des plates-formes de contenus seraient la principale cause de la circulation rapide des contenus nuisibles en ligne.
La réalité est que nous ne savons rien, ou si peu. Nous ne pouvons plus accepter d’avoir, d’un côté, les grandes plates-formes ayant la maîtrise de leurs données et, de l’autre, les citoyens et les institutions cherchant à deviner ce que celles-ci contiennent : « Facebook et les autres plates-formes de la Silicon Valley ont perdu leur droit au secret », comme l’a déclaré, le 26 octobre 2021, devant le Sénat américain, le professeur de droit Nathaniel Persily. L’accès aux données est désormais un enjeu régalien.
Qui n’a pas déjà eu le sentiment d’être « pisté » par l’algorithme, à la suite d’une suggestion publicitaire presque trop opportune pour être le fruit du hasard ? D’avoir cliqué sur une vidéo s’interrogeant sur les origines du Covid-19 sur YouTube et se retrouver, trois vidéos plus tard, à interroger, cette fois, la réalité des pyramides ? De s’inquiéter pour la santé mentale et émotionnelle de son enfant, en permanence sur ses écrans ?
Selon un sondage publié en décembre 2021 par le Washington Post, 56 % des Américains pensent que Facebook a un impact négatif sur la société. Une autre étude d’opinion montrait qu’en 2019 seuls 20 % des Européens feraient confiance aux réseaux sociaux. L’entreprise elle-même reconnaît que 64 % des personnes qui ont rejoint des groupes extrémistes sur sa plate-forme l’auraient fait parce que des algorithmes les y ont dirigées. Et, chaque semaine, plus de 90 % des Américains et Européens utilisent ces mêmes réseaux.
Ces plates-formes sont nées dans un climat de naïveté et de laxisme quant aux usages d’un Internet ouvert et sans modération. L’utopie était trop belle. Car les réseaux sociaux ont des effets paradoxaux. Libérateur de parole lors du « printemps arabe » de 2010, ils peuvent aussi être des entraves à la démocratie, devenant des instruments de contrôle et de censure de la population pour certains gouvernements.
Dans cette course, entre mouvement féministe populaire ou complot antidémocratique, les algorithmes semblent ne pas trancher. Et dans l’assassinat de Samuel Paty, l’attentat antimusulman de Christchurch, ou l’attaque du Capitole, les réseaux sociaux sont incriminés. Se met alors en place une controverse sans issue : entre ceux qui accusent les réseaux sociaux d’alimenter tous les maux de nos sociétés et les plates-formes qui nient toute responsabilité mais verrouillent les accès à toute enquête basée sur les données liées à ces événements. Faisant de notre modèle démocratique la principale victime de ce débat stérile. C’est l’utopie déchue.
0 Réponses à “L’enjeu de l’accès aux algorithmes”