Ministère de l’éducation nationale ou de l’instruction ?
Aucun autre ministère n’a autant changé d’intitulé au cours du temps que celui de l’éducation nationale, sans pour autant interroger la mission de l’école, estime, dans une tribune au « Monde », Roger-François Gauthier, spécialiste de l’éducation comparée.
L’intitulé du ministère situé au 110, rue de Grenelle a évolué dans l’histoire : son cœur de cible fut variable, puisqu’il s’appela « instruction publique » puis « éducation nationale » (avec un retour à l’instruction publique sous Vichy, et un retrait temporaire de l’adjectif « national » sous la présidence de Giscard d’Estaing). Il connut aussi des extensions étonnantes : qu’il se soit agi des « affaires ecclésiastiques », de l’enseignement supérieur, de la recherche, de la technologie, de l’enseignement professionnel, de la culture ou de la jeunesse et des sports. Aucun autre ministère n’a eu autant la bougeotte, sur des questions aussi profondes. Etonnant flou sur des finalités et un périmètre…
Au moment même où il apparaît que, dans le débat public en cours, les questions d’éducation ont une place modeste (mais peut-être un peu plus nourrie que lors d’échéances similaires du passé récent), on voit ressurgir la vieille opposition instruction-éducation : si ce n’est pas une surprise, prenons-le comme une invite à une réflexion plus large !
Ce n’est pas une surprise, en effet : il y a toujours eu une opposition entre ceux qui prétendent que l’enseignement doit viser seulement une « instruction » des élèves, dans des savoirs consacrés, réservant tout le reste, appelé « éducation », aux familles ou aux organisations extérieures à l’école, dans toute leur diversité, et ceux qui lui attribuent une mission plus large.
Que d’autres, depuis toujours, insistent sur l’importance « éducative » de l’école, dans le cadre d’un projet plus ambitieux, est aussi classique. On observe toutefois moins souvent ce paradoxe que ceux qui plaident pour la seule instruction, voire l’apprentissage de ce qu’ils appellent des « fondamentaux », comme le « lire-écrire-compter » de l’actuel ministre, Jean-Michel Blanquer, plaident aussi fortement pour l’apprentissage des valeurs républicaines, et ajoutent même à ces fondamentaux le « respect d’autrui », comme l’a fait M. Blanquer – ce qui est bien du domaine du comportement.
On peut se rassurer, sur le plan de la logique, quand les mêmes « instructionnistes » envisagent l’abandon de l’« enseignement moral et civique », legs des années Peillon, qui a bien une visée éducative, au profit d’une « instruction civique ». Mais sur le plan de la visée ? Veut-on vraiment, une fois empochées quelques voix, qu’on retourne à cet enseignement de jadis, qui connut un tel échec ?
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