Envolée de l’inflation: La note surtout pour les salariés ?

Envolée de l’inflation: La note surtout pour les salariés ?

 

Contrairement aux affirmations des pouvoirs publics et de certains experts l’inflation n’est nullement provisoire. Pour preuve en janvier sur un an elle a encore progressé de près de 3 %. Le retour de l’inflation fait donc renaître le débat sur le maintien du pouvoir d’achat des salaires, analyse l’économiste Pierre-Cyrille Hautcœur. Faute de revalorisation des salaires, comme en 1920, les salariés risquent de payer la note mais aussi les retraités et les épargnants (chronique dans le Monde)

 

Chronique. 

 

 

 La crainte de voir s’enclencher une boucle inflationniste prix-salaires est brandie actuellement par le patronat et par le gouvernement pour éviter une hausse générale des salaires. Plusieurs syndicats, inversement, alertent sur les risques de perte de pouvoir d’achat en cas de résurgence inflationniste et réclament un ajustement automatique tenant compte de l’inflation, une « indexation » des salaires sur les prix.

La question s’est posée il y a un siècle, lorsque, en 1919-1920, le pouvoir d’achat des salaires se trouve significativement réduit parce que les prix, bloqués pendant la guerre, ont été libérés, alors que les salaires restent souvent inchangés. Les entreprises, comme d’ailleurs l’Etat employeur, utilisent un mélange d’augmentations individuelles et de primes « de vie chère » pour limiter le mécontentement ou le départ des salariés. Un indice officiel du coût de la vie est créé en 1920, pour servir de référence aux négociations. Mais, même après avoir renoncé au retour au franc-or, les gouvernements rejettent l’idée d’indexation et la fixation des salaires reste décentralisée.

Le Front populaire impose en revanche une prise en compte du niveau des prix et du pouvoir d’achat dans les négociations collectives, devenues désormais obligatoires au niveau des branches professionnelles. Dans la pratique, les clauses d’indexation sont cependant presque toujours très prudentes et les recours à l’arbitrage intentés par les syndicats pour obtenir leur application conduisent, dans la plupart des cas, à des rejets au nom de « l’équilibre économique » du secteur (en fait, la préservation des profits et des investissements). L’inflation, comme au début des années 1920, profite principalement aux employeurs, privés et plus encore publics.

L’économie semi-dirigée qui suit la seconde guerre mondiale est, en revanche, propice à une politique nationale des salaires. Le mouvement ouvrier revendique alors « l’échelle mobile automatique et générale » et ainsi la possibilité pour « l’ouvrier » de pouvoir faire vivre sa famille dignement.

Après plusieurs années de débats, une loi adoptant l’échelle mobile des salaires est adoptée en 1952 par le gouvernement conservateur d’Antoine Pinay. Elle complète un dispositif où un salaire minimum national est défini par l’Etat (alors que, depuis 1936, il l’était par branche et par région). Mais la mise en œuvre est très loin des discours : les conventions collectives adaptent localement « l’échelle mobile » vers le haut ou vers le bas, en fonction des rapports de force et d’autres considérations tout aussi essentielles, comme les heures supplémentaires, le coût de la vie local, la part de l’emploi féminin (qui est à l’époque légalement moins rémunéré). Seule l’indexation du salaire minimum interprofessionnel garanti (le SMIG, lui-même sujet à nombre d’exceptions), adoptée cette même année, est réelle. Mais en période de croissance, l’indexation du salaire minimum n’empêchera pas une baisse relative du SMIG par rapport au salaire médian.

 

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