Economie mondiale : Les interrogations

Economie mondiale : Les interrogations

 

Jean-Michel Bezat du Monde évacue les interrogations quant au perspectives de l’économie mondiale

Pénuries de matières premières, tensions entre Etats, logistique défaillante… Pour l’Europe, l’accumulation de problèmes va rendre les objectifs de transition énergétique complexes et coûteux, relève Jean-Michel Bezat, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

 

Chronique.

 

Alerte rouge sur l’approvisionnement du monde, depuis les champs d’hydrocarbures et les mines jusqu’aux usines et aux consommateurs ! A l’aube de l’année 2022, rarement autant de menaces ont pesé sur l’économie mondiale : tensions géopolitiques, déséquilibres entre l’offre et la demande de matières premières et de composants, goulots d’étranglement dans le transport maritime et les ports. Pétrole et gaz, cobalt, lithium, nickel, cuivre et terres rares, microprocesseurs et porte-conteneurs sont devenus rares et chers. Tout alimente l’inflation et déstabilise les acteurs économiques.

En Europe, l’inquiétude immédiate se focalise sur l’énergie. Sa facture s’élèvera à 1 000 milliards d’euros cette année, deux fois plus qu’en 2019, a calculé la banque JPMorgan Chase. « Mais si la Russie envahissait l’Ukraine, le baril de pétrole exploserait le plafond, et il y aurait une pénurie de gaz à prévoir en Europe », alors qu’il a coûté quatre fois plus cher en 2021 qu’en 2020, a prévenu l’économiste Philippe Chalmin en présentant, jeudi 27 janvier, son rapport « CyclOpe », baromètre annuel des marchés mondiaux des matières premières.

Le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, dramatise. L’Union européenne subit « un choc gazier comparable au choc pétrolier de 1973 », qui a entraîné une flambée sans précédent des prix de l’électricité. De la métallurgie à la chimie, des pans entiers de l’industrie ont dû réduire leur production pour ne pas perdre d’argent et limiter des surcoûts qui se répercuteront sur le prix des voitures ou des denrées alimentaires.

La menace sur l’or noir est aussi inquiétante – sauf pour les partisans d’une sortie accélérée des énergies fossiles. Le baril pourrait passer rapidement de 90 à 100 dollars (de 80 à 90 euros) – et même à 120 dollars en cas de guerre russo-ukrainienne. Diaboliser la Russie et ses alliés de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole est facile. Les oilmen américains ne sont pas pressés de pomper davantage de brut. Surtout, le secteur a tellement taillé dans ses dépenses d’exploration-production, divisées par deux depuis le pic de 2014 (720 milliards d’euros), que les capacités excédentaires ont fondu, alors que la demande a retrouvé son niveau pré-Covid et qu’elle augmentera jusqu’en 2030.

Au-delà du pétrole et du gaz, une aventure militaire de Vladimir Poutine en Ukraine déstabiliserait le marché de métaux comme l’aluminium, le nickel ou le palladium – soit que les Etats-Unis et l’Europe lui interdisent de les écouler à l’étranger, soit qu’il suspende ses exportations par mesure de rétorsion. Une escalade perdant-perdant puisqu’elle priverait la Russie de devises et ses clients de produits vitaux pour se débarrasser du charbon, du pétrole et du gaz dans les transports et la production d’électricité.

 

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