Pas d ‘écologie sans démocratie

Pas d ‘écologie sans  démocratie 

 

Les changements radicaux exigés par la lutte contre le dérèglement climatique passent par un dialogue démocratique sincère entre citoyens et gouvernants, rappelle la présidente de la Commission nationale du débat public dans une tribune au « Monde ».

 

Depuis vingt-cinq ans, les procédures de participation du public aux décisions n’ont cessé de se multiplier. La loi de 2005, qui institutionnalise le principe du débat public, avait, à l’évidence, une double ambition. Une ambition démocratique tout d’abord : la convention d’Aarhus de 1998 visant à accompagner la transition démocratique des pays de l’Est avait posé le principe de l’association du public aux décisions dans le champ de l’environnement. Et une ambition plus utilitariste : multiplier la participation pour limiter les conflits et contentieux. Pour autant, ce droit de la participation est d’abord une conquête citoyenne. Il n’est pas uniquement né de la volonté des parlementaires.

Dans les années 1990, les conflits se multiplient autour des grands projets. Un groupe de personnes ayant « découvert » par la presse le projet de TGV Méditerranée s’auto-organise pour créer ce qui sera le premier débat public. Ce groupe interroge les pouvoirs publics, collecte de l’information, se forge sa propre opinion sur le projet, organise des débats où chaque personne a le même temps de parole. Cette initiative a clairement inspiré la création de la Commission nationale du débat public (CNDP).

Après vingt-cinq ans d’existence, nous pouvons affirmer que le débat public a un impact réel sur les décisions. Les statistiques l’attestent puisque 58 % des projets sortent profondément modifiés d’un débat public. Nous entretenons un dialogue démocratique quotidien, sur le terrain, ancré dans les territoires grâce aux 150 concertations et débats publics que nous organisons chaque année. Cet historique et cette présence concrète nous permettent de revendiquer une expertise et une expérience unique en matière de participation citoyenne. Nous connaissons les règles à respecter et les erreurs à ne pas commettre. Nous savons que la défiance à l’égard des responsables n’est que le reflet de celle dont ces derniers font preuve à l’égard du public.

Gouverner avec sincérité

La démocratie du quotidien est fragile, et son instrumentalisation politique dangereuse. Elle est fragile, car elle exige que les responsables soient sincères, qu’ils aient réellement l’intention de partager la décision avec le public, que les règles du jeu soient claires, garanties par la loi et par une instance indépendante de toutes les parties prenantes. La démocratie exige des règles et un défenseur de ces règles pour que toute personne ait la confiance qui l’incitera à « jouer le jeu ».

Gouverner autrement, c’est gouverner avec sincérité, avec clarté, avec le plus grand respect de chaque personne y compris les plus fervents opposants. C’est considérer que les bonnes décisions ne sont pas uniquement celles des expertes ou des experts, mais aussi celles nourries de l’expertise du quotidien, celles éclairées par la parole des personnes concernées. Cette exigence démocratique s’impose à toutes les personnes élues comme à l’ensemble des responsables, et notamment à celles et ceux qui se disent expertes ou experts.

La démocratie représentative et la démocratie participative s’enrichissent mutuellement et les responsables politiques de terrain portent de nombreuses initiatives. Par contre, les personnes dites expertes ont une relation plus suspicieuse à l’égard de la démocratie participative considérant que l’expertise est le préalable incontournable à toute bonne décision. Cette République de l’expertise, si puissante en France, renvoie trop souvent une image de défiance, parfois de mépris, à l’égard des publics.

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