Élections : Vers la fin progressive du vote vo ?
A trois mois de l’élection présidentielle, le politiste Tristan Haute et le sociologue Vincent Tiberj ont réuni dans un ouvrage d’actualité les contributions de plusieurs chercheurs renouvelant le regard porté sur le geste du vote et l’abstention.
Pourquoi les électeurs et les électrices ne se déplacent-ils plus autant aux urnes ? Cesseront-ils un jour de voter ? A ces questions désormais récurrentes, Tristan Haute et Vincent Tiberj apportent, avec Extinction de vote ?, les dernières réponses de la recherche. L’ouvrage, qui rassemble les contributions de chercheurs dont les travaux ont renouvelé l’analyse du vote et de l’abstention, reste synthétique tout en offrant plusieurs entrées dans ce sujet complexe.
S’attachant d’abord à resituer le geste du vote dans l’histoire, les auteurs soulignent à quel point ses significations se sont construites sur la durée. Yves Déloye pointe que la pratique du scrutin, pensée dès ses origines comme un substitut efficace aux épisodes de violence collective, devient peu à peu au XIXe siècle un véritable instrument d’ordre. Refuser ce mode d’expression politique, « fait de délégation et d’oubli de soi », revient dès lors à en utiliser, voire à en inventer d’autres – parfois plus violents.
Jérémie Moualek, quant à lui, redonne leur profondeur historique aux votes blancs et nuls : d’abord vus comme de simples votes irréguliers, ils deviennent rapidement des « déviances électorales » et des « voix perdues » aux yeux des politiques en quête de légitimité. C’est avec la Ve République et son offre politique binaire, donc restreinte, que le vote blanc gagne en crédibilité avant de devenir, dans les années 1990, un « non-choix sophistiqué », un droit de ne pas choisir, voire de ne pas élire.
Loin de laisser de côté les ressorts sociaux de la démobilisation électorale, les deux contributions des directeurs de l’ouvrage se penchent sur les conséquences du renouvellement générationnel et des conditions de travail et d’emploi. Le lecteur y apprend notamment que si, parmi les nouvelles cohortes générationnelles, les partisans du « vote intermittent » sont de plus en plus nombreux, des citoyens défiants mais non moins informés privilégient des moyens d’expression moins passifs que le vote pour se faire entendre : manifestations, pétitions, boycott, mobilisation sur les réseaux sociaux… Ou encore que les salariés dont le travail est répétitif et offre peu de place à l’autonomie ont moins tendance à voter que le reste des salariés.
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