L’instrumentalisation du vaccin par Macron
Qui du très policé Mario Draghi ou du disruptif Emmanuel Macron arrivera, par son discours, à freiner les ardeurs populistes ? Dans une tribune au « Monde », le politiste italien Giuliano da Empoli procède à une analyse comparée de leur manière de gouverner.
Les chassés-croisés entre la France et l’Italie sont parfois surprenants. Si l’on m’avait dit, il y a quelques années, que le chef de l’exécutif de l’un des deux pays allait faire face à une urgence sanitaire et culturelle comme celle que nous connaissons en imposant la vaccination obligatoire à tous les plus de 50 ans, et l’autre en déclarant vouloir « emmerder les non-vaccinés », je n’aurais eu aucun doute.
Voici, une fois de plus, la preuve de la différence profonde entre la monarchie républicaine française, qui impose d’en haut les mesures nécessaires, et le style débraillé du débat politique italien, où l’exigence d’attirer l’attention quoi qu’il en coûte l’emporte presque toujours sur le fond des problèmes.
Et, pourtant, il y a une semaine, c’est l’inverse qui s’est produit. A Rome, le premier ministre italien, Mario Draghi, a annoncé, dans un sobre communiqué de presse, l’introduction de la vaccination obligatoire [contre le Covid-19] pour les plus de 50 ans. Presque au même moment, en France, le président, Emmanuel Macron, déclarait non seulement avoir « envie d’emmerder les non-vaccinés », mais aussi qu’« un irresponsable n’est pas un citoyen ».
Cette différence d’approche, dans le cadre d’une stratégie commune – augmenter le pourcentage de personnes vaccinées –, s’explique par les différences de personnalité des deux dirigeants. Plus encore, elle s’explique par les positions différentes dans lesquelles se trouvent Mario Draghi et Emmanuel Macron.
Le premier, technocrate non élu chargé d’un gouvernement d’unité nationale, a pour mission de désamorcer les tensions et de maintenir une position de neutralité. Le second, chef de l’Etat élu au suffrage universel, doit faire face à une campagne électorale pleine d’inconnues, en vue de laquelle il a besoin de remobiliser sa base, ce qui n’est pas évident pour un candidat sortant.
Charge transgressive
Sans surprise, la petite phrase de M. Macron a été interprétée comme le signal de son entrée en campagne. Une démarche qui, si elle ne contribue pas à la poursuite des objectifs sanitaires du gouvernement – sur lesquels elle risque, au contraire, d’avoir un effet contre-productif –, présente l’avantage, pour le président, d’atteindre plusieurs objectifs politiques.
D’une part, elle remet la question du Covid-19 au centre de l’agenda politique et fait de l’opposition entre pro et anti-vaccin le clivage politique décisif de cette élection. Avec pour effet de polariser le champ politique en identifiant les candidats les plus extrêmes comme seuls adversaires et en affaiblissant toutes les figures intermédiaires, au premier rang desquelles la candidate du parti Les Républicains, Valérie Pécresse.
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