Environnement-Une taxe carbone ratatinée aux frontières de l’UE
Michel Barnier, ancien commissaire européen et candidat au congrès LR, et Jean-Michel Naulot, ancien membre de l’Autorité des marchés financiers, estiment dans le JDDque le projet d’une taxe carbone ratatinée. (extrait)
Notons cependant que cette taxe carbone soutenue par les écolos et autres économistes convertis récemment à l’écologie pourrait bien jouer un rôle de boomerang car les importations taxées du fait du carbone entraîneront nécessairement des mesures de rétorsion des pays exportateurs.( Sans parler de l’effet d’une taxe carbone sur les matières premières incorporées dans les exportations européennes) NDLR
tribune dans le JDD
Le 21 juillet 2020, après la conclusion de l’accord sur l’emprunt européen, Emmanuel Macron s’était félicité d’un « accord historique ». Il avait également tenté de rassurer les Français en déclarant : « Ce n’est pas le contribuable français qui paiera cette dette. » Quelques mois plus tard, le 16 décembre 2020, le Conseil européen et le Parlement ont donné mandat à la Commission de faire des propositions sur trois nouvelles ressources européennes : une taxe carbone aux frontières afin de lutter contre la concurrence déloyale des entreprises fortement émettrices de carbone, une taxe sur les entreprises du secteur numérique, une réforme du marché européen du carbone avec une possible extension à l’aviation et au transport maritime. La feuille de route était claire et vertueuse sur le plan écologique. Les ressources devaient être
entre 5 et 14 milliards par an. Maintenant on ne compte plus que sur 1 milliard à partir de 2026. La taxe carbone aux frontières rapporterait autour de 1 milliard d’euros à partir de 2026… Un montant sans rapport avec l’ambition initiale. La taxe numérique a disparu à la demande des États-Unis qui la jugent discriminatoire. Elle serait remplacée par un prélèvement de 15% sur les ressources revenant aux États dans le cadre de l’accord OCDE sur l’impôt des multinationales, un accord qui est encore loin d’être finalisé. Quant à la réforme du marché européen du carbone, dont les recettes sont affectées aux États depuis l’origine, elle consisterait en un prélèvement de 25% sur ces recettes, le marché étant étendu au secteur maritime, au bâtiment et au transport routier. Cette ressource représenterait 12 milliards à partir de 2026.
L’essentiel des ressources nouvelles ne vient donc plus de la taxe aux frontières et de la taxe numérique, des taxes extérieures à l’UE , mais de transferts en provenance des États et de nos concitoyens. De plus, les 15 milliards ainsi récoltés n’iraient que pour moitié au remboursement de l’emprunt en raison d’un transfert, pour le moins inattendu, d’une partie des nouvelles ressources vers le Green Deal.
Les conséquences de ces propositions seraient considérables. Le remboursement de l’emprunt (15 milliards par an) ne serait couvert qu’à moitié. Les prélèvements sur le marché du carbone et sur l’impôt des multinationales priveraient par ailleurs les États de ressources importantes. Enfin, l’élargissement du marché au bâtiment (chauffage) et au transport routier (carburant) provoquerait une levée de boucliers dans un pays comme le nôtre qui a connu les Gilets jaunes et les barrages routiers…
Tout ceci est difficilement acceptable. Au-delà de l’indélicatesse du procédé qui consiste à prendre dans la poche des États et des citoyens à défaut d’un accord sur de nouvelles taxes extérieures, il serait extrêmement grave de renoncer à un projet d’ampleur pour la taxe carbone aux frontières. Si l’on n’avance pas résolument dans cette voie, alors qu’il y a une urgence climatique, nos grands sites industriels vont terriblement souffrir. De quoi accélérer la délocalisation. L’Europe industrielle risque en quelque sorte de mourir guérie. En moins de cinq ans, le prix du carbone sur le marché européen des droits à polluer est en effet passé de 5 euros la tonne à 80 euros!
Les chefs d’État et de gouvernement sont désormais au pied du mur. Ils doivent reprendre la main. La taxe carbone aux frontières est essentielle pour le remboursement de l’emprunt, pour notre compétitivité et pour l’avenir de la planète. On serait tenté d’ajouter : pour la confiance de nos concitoyens dans leurs institutions nationales et européennes. En effet, à quoi bon l’emprunt si, après tant de promesses solennelles, l’ambitieux projet de taxe carbone aux frontières est quasiment abandonné et qu’en plus ce sont nos concitoyens qui règlent la facture? L’accord historique n’aurait alors été qu’un jeu de dupes.
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