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Géants du numérique : les insuffisances européennes de la régulation

Géants du numérique : les insuffisances européennes de la régulation

 

L’économiste Bruno Alomar souligne, dans une tribune au « Monde », les nombreuses imprécisions – sources de contentieux à venir – du Digital Markets Act, qui a pour mission de prévenir les abus de position dominante des géants du numérique.

 

Tribune.

Le Digital Markets Act (DMA), présenté par la Commission européenne en décembre 2020, actuellement débattu par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, est la pièce maîtresse de l’Union européenne (UE) pour permettre à l’Europe de rattraper son grave retard dans le domaine du numérique. La France a fait de son adoption une priorité de la présidence française de l’Union européenne (PFUE).

Disons-le clairement : comme souvent, les espoirs portés par l’adoption de nouvelles normes européennes risquent d’être exagérés, la norme juridique étant un cadre qui ne peut pas tout. A ce stade, n’en déplaise à la France, qui a érigé le combat contre les grandes entreprises américaines du numérique au rang de véritable croisade, le texte, fruit d’un travail considérable qu’il faut savoir reconnaître, souffre d’imprécisions majeures telles qu’une adoption rapide semblerait déraisonnable, sauf à faire le lit de contentieux juridiques sans fin.

Imprécisions, d’abord, pourrait-on dire, sur ce qui semble en être le cœur, c’est-à-dire la notion de gatekeepers ou « donneurs d’accès ». Le texte, en effet, face à l’incapacité des mécanismes du droit européen structurés autour de la notion de position dominante – pourtant vantée comme pièce cardinale – à donner un cadre opératoire pour traiter le numérique, apporte une nouvelle définition du « pouvoir de marché », qu’il a baptisé, de manière imagée, « gatekeeper ».

Si le terme fait brèche dans l’esprit des adeptes du numérique, la définition de ces donneurs d’accès, sur les épaules desquels un cortège impressionnant d’obligations s’apprête à tomber, est particulièrement floue. Elle l’est tellement que l’article 3 du projet actuel a besoin de plusieurs pages pour la définir.

Imprécisions, encore, sur la question du partage des données, qui est essentielle tant pour la concurrence que pour la cybersécurité, la protection de la vie privée et les « valeurs » du Net que les Européens prétendent promouvoir. L’article 5 du projet du Digital Markets Act (DMA) propose ainsi que les entreprises qui passeront par les plates-formes des gatekeepers bénéficient d’un accès direct aux données des consommateurs obtenues au travers de ces plates-formes.

L’article 6 prévoit quant à lui que c’est aux donneurs d’accès qu’il incombera de s’assurer que les applications logicielles des parties tierces ne seront pas susceptibles d’endommager l’intégrité du système mis à disposition par les gatekeepers. En termes plus simples, cela signifie que, pour autant qu’un contrôle de l’usage des données privées qui auront été récupérées par des tiers devra être opéré afin d’éviter les abus, détournements et usages délictueux voire criminels, cela sera de la responsabilité des grandes plates-formes.

 

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