La privatisation progressive des grands événements sportifs
Régis Juanico, député (Génération.s) de la Loire, vice-président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée nationale, s’inquiète, dans une tribune au « Monde », de la privatisation des grandes compétitions sportives par des intérêts privés qui, selon lui, captent le « bien commun », et propose un nouveau modèle.
.Le modèle sportif européen est aujourd’hui percuté par deux grandes menaces. La première est celle d’une privatisation progressive des grandes compétitions sportives continentales par des intérêts privés à l’œuvre dans de nombreuses disciplines individuelles ou collectives, à l’instar de la récente tentative de créer une « Super Ligue » en Europe, à l’initiative de quelques clubs de football parmi les plus riches.
La seconde menace est celle de l’accaparement des grandes compétitions ou événements sportifs internationaux par les grandes multinationales (Warner, Discovery, MGM, Amazon, Google) à la force de frappe financière considérable, ou des fonds d’investissement souverains à la main d’Etats aux moyens illimités qui n’hésitent pas à instrumentaliser le sport pour en faire une vitrine politique ou une « arme diplomatique ».
Ces tentatives de captation du « bien commun » de l’organisation des grandes compétitions sportives et, plus largement, de prédation financière du sport sont très préoccupantes car avec elles font peser, par leur tendance inflationniste, un risque de disparition des valeurs universelles liées au modèle sportif européen fondé sur la solidarité, la durabilité, l’inclusion et qui repose sur une compétition ouverte et équitable.
Cette offensive mortifère doit absolument être stoppée sur un plan politique par les Etats de l’Union européenne et par les instances du mouvement sportif international, en particulier pour protéger la spécificité de notre modèle européen : système pyramidal de montées et descentes des clubs dans les ligues, accueil, détection, formation et protection des jeunes joueurs – formés localement, à l’opposé du modèle des ligues fermées.
La crise sanitaire en cours a montré à quel point le sport est un « bien essentiel » pour nos sociétés. Ses conséquences économiques, financières et sociétales dramatiques que nous n’avons pas fini de mesurer auraient dû faire l’effet d’un électrochoc pour les acteurs concernés : où sont passées aujourd’hui les promesses d’un « sport plus sobre, plus tempérant » ?
A défaut, la crise sanitaire a été un accélérateur et un révélateur d’une tendance préexistante pour le football professionnel français. La pérennité de son modèle économique n’est pas assurée, du fait du déséquilibre structurel d’exploitation des comptes, de l’inflation de la masse salariale, des effectifs professionnels pléthoriques, du manque d’attractivité des matchs de la Ligue 1, de la complexité de l’offre d’abonnement, de son prix élevé et de la difficulté d’accès qui pousse les consommateurs au piratage audiovisuel.
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