Plan France 2030: on a oublié le volet formation

Plan France 2030: on a oublié le volet formation

Le plan annoncé par le président de la République est voué à l’échec s’il omet le problème d’un système éducatif ne parvenant plus à former pour la science et l’industrie, souligne, dans une tribune au « Monde », Maroun Eddé, normalien et auteur d’un rapport sur l’éducation.

Tribune.

 

Pour répondre à la dépendance de la France aux économies étrangères, Emmanuel Macron lance un plan de 30 milliards d’euros pour réindustrialiser le pays. Mais le cœur du problème se situe en amont : un système éducatif qui ne parvient plus à former pour la science et l’industrie.

En 2004, la France, leader du nucléaire civil, lançait la construction du premier réacteur EPR au monde, à Flamanville (Manche). Mais, dix-sept ans plus tard, le chantier, qui devait durer huit ans, n’est toujours pas terminé. Entre-temps, la Chine a inauguré un réacteur EPR, construit en neuf ans seulement. Face à l’échec de Flamanville, EDF déplore « les pertes de compétences » liées aux départs à la retraite et à la disparition progressive des masters spécialisés en énergie nucléaire. A ce rythme, le nouveau plan nucléaire du président de la République risque de rejoindre Flamanville dans le palmarès des projets avortés faute d’équipes pour les mener à bien.

 

Cette perte de compétences ne se limite pas aux industries de pointe. Plombiers, charpentiers, ingénieurs en bâtiment, chefs de projet informatique : en octobre 2021, on compte 70 000 postes non pourvus dans l’industrie, et de 15 000 à 80 000 dans les métiers du numérique. Aucune politique industrielle ne peut fonctionner sans suffisamment d’ingénieurs et de techniciens.

Or le système universitaire français n’en forme plus assez. Selon les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, les mathématiques, la physique et la biologie font partie des cursus les moins demandés à l’université, avec dix fois moins de candidatures que la psychologie, les langues ou le droit. D’où l’incapacité croissante à recruter des enseignants en sciences et le déclin de la recherche française, dont les financements s’amenuisent.

Les grandes écoles ne corrigent pas ce déséquilibre. Les écoles de commerce n’ont cessé de se multiplier, passant de 10 000 étudiants, en 1960, à 200 000 aujourd’hui, tandis que les écoles d’ingénieurs multiplient les cursus de finance et de management. Derrière l’inflation de diplômes aux consonances anglo-américaines (MS, MSc, bachelor) se cachent des formations de moins en moins spécialisées.

Dans ces conditions, où trouver les ingénieurs dont l’industrie a besoin ? Les centaines de milliers de jeunes formés pour devenir des manageurs n’auront bientôt plus personne à manager. Pour justifier une explosion des frais de scolarité, les grandes écoles doivent vendre du rêve. Mais on ne peut bâtir l’avenir industriel à coups de soft skills [« compétences comportementales »] et de marketing.

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