Ne pas confondre PME et start-up internationale !
L’économiste Vincent Frigant dénonce, dans une tribune au « Monde », la myopie des politiques de soutien aux entreprises, qui oscillent entre deux fantasmes : celui de la start-up disruptive et celui de la multinationale aux couleurs nationales.
Dans bien des imaginaires, et singulièrement celui de nos dirigeants actuels, deux figures de ce qu’est une entreprise performante et socialement utile dominent.
La start-up, pépite technologique ou inventrice de modèles d’affaires « disruptifs », symbolise la modernité et le bouillonnement créatif apte à bouleverser marchés, méthodes de production, voire manières de vivre. Si l’immense majorité fera faillite et que très peu disrupteront quoi que ce soit, la « start-up nation » les soutient massivement, espérant dans la masse enfanter un géant de demain (à l’instar d’un membre des GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon) et/ou découvrir la technologie du futur, salvatrice du rang de l’économie française, de son autonomie stratégique, de ses engagements environnementaux.
L’antienne du champion national
A l’autre extrême se situe la grande entreprise. Historique paquebot résistant aux tempêtes, elle est capable de se projeter à l’international par ses exportations et ses implantations, rapportant des devises et créant des emplois ; elle réalise des économies d’échelle permettant de démocratiser le produit et/ou de résister à la concurrence étrangère ; elle développe des produits complexes requérant d’importantes immobilisations financières (avion, automobile…), ce qui participe également de la puissance militaire et de l’indépendance géostratégique, du développement des technologies du futur (nécessairement salvatrices), de l’image de la France et de son soft power – que l’on pense aux KHOL – Kering, Hermès, L’Oréal, LVMH –, pendants des GAFA (encore eux !).
Si, aujourd’hui, l’Etat se donne pour mission de soutenir « en même temps » les start-up et les grandes entreprises, ces dernières furent longtemps l’objet principal de sa politique. Toutefois, l’objectif reste identique : faire émerger l’entreprise qui sera capable d’enchaîner les conquêtes économiques et de s’imposer sur le marché national, européen puis mondial. Cette antienne du champion national demeure l’horizon de nos gouvernants.
La course systématique à la taille
Pourtant, les sciences sociales ont déjà montré comment une telle politique avait détruit des systèmes productifs localisés organisés autour de petites et moyennes entreprises (PME), dont on regrettait d’ailleurs la disparition dans les années 1990. Pourtant, on nous explique que l’Allemagne industrielle tire sa puissance de son tissu d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), dont manquerait cruellement la France. Certes, depuis une décennie l’Etat prête, enfin, attention à ces ETI. Mais toujours avec le même défaut d’analyse : les envisager dans un stade intermédiaire – leur nom même n’est-il pas significatif ? – vers la grande taille. De même, il conviendrait de transformer les PME en ETI…
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