Aides aux entreprises : trop d’inégalités
Certaines catégories sont bien plus avantagées que d’autres par les dispositifs de soutien. Une répartition non équitable qui limite les véritables objectifs de stratégie industrielle, constate l’économiste Nadine Levratto dans une tribune au « Monde ».
Tribune.
L’accompagnement des entreprises fait partie des missions structurelles de l’Etat et des collectivités locales. Les cibles sont multiples et vont de l’aide aux entreprises en difficulté à la création de champions nationaux, en passant par le développement du tissu de petites et moyennes entreprises (PME) et l’éclosion de start-up. Les priorités varient selon les périodes, la conjoncture et… le poids respectif des organisations professionnelles.
La crise sanitaire, puis économique, liée au Covid-19 a modifié les règles habituelles de la hiérarchisation des objectifs. Résumée par le « quoi qu’il en coûte », cette politique a consisté à déverser sur les entreprises plusieurs centaines de milliards d’euros sous forme de prêts garantis par l’Etat, fonds de solidarité, remboursements de cotisations, activité partielle, etc. Au total, les mesures d’urgence et le plan de relance se sont soldés par une injection de 240 milliards d’euros à destination des entreprises. Si ce montant record peut être justifié par la situation exceptionnelle à laquelle le pays a dû faire face, il s’inscrit dans une tendance longue de distribution d’aides aux entreprises, qui représentaient déjà entre 150 et 200 milliards en 2019.
Qui bénéficie de cette manne ? Toutes les entreprises ou presque, en raison des règles en vigueur au sein de l’Union européenne. En effet, le droit européen pose un principe général d’interdiction des aides d’Etat – lequel s’étend jusqu’aux collectivités locales – qui procurent un avantage sélectif à une ou quelques entreprises. Cette décision est justifiée par l’influence que ce type d’aide exerce sur les échanges entre Etats membres en menaçant ou faussant la concurrence. Des exceptions existent, par exemple pour les aides de faible montant (règle dite de minimis), les secteurs agricole et forestier et les zones rurales.
Cependant, cette règle ne vaut plus lorsque des Etats membres adoptent des mesures applicables à toutes les entreprises remplissant certains critères pour alléger les charges que ces dernières devraient normalement supporter (exonérations d’impôts ou de charges sociales, par exemple). Dans ces conditions, on comprend que la plupart des aides soient générales et ne ciblent pas de secteurs ou de filières particulières, qu’une politique industrielle, environnementale ou agricole devrait pourtant privilégier.
Cette règle, dont les visées sont a priori égalitaires, est en fait génératrice d’inégalités qui affectent leur efficacité et rejaillit sur la composition du tissu productif.
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