La probable victoire du non au troisième référendum sur l’indépendance peut déboucher sur une transition positive car, à l’exception de quelques boutefeux, nul ne songe plus à dresser l’un contre l’autre le « peuple français » et le « peuple kanak », estime Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public.
En quelque sorte un référendum pour rien ! NDLR
Tribune
Le 12 décembre, en application de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, sera organisé un nouveau référendum en Nouvelle-Calédonie. Une troisième fois, les citoyens calédoniens seront conduits à répondre à la même question : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » En 2018, la réponse avait été non à 56,7 %. En 2020, elle avait été encore non, mais cette fois à 53,3 %.
Dimanche, compte tenu des circonstances politiques, avec l’appel à la « non-participation » du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), il est probable qu’à l’image de Pierre dans le Nouveau Testament, les citoyens inscrits sur la liste électorale spéciale répondent une troisième fois non à la question posée. Dès lors, le 13 décembre, quand le coq aura chanté trois fois, après ces trois non, que faire ?
L’équation n’est pas simple car à cette date, le statut de la Nouvelle-Calédonie reposera sur un équilibre précaire. De nouvelles relations entre la Nouvelle-Calédonie et la France devront nécessairement être tissées au cours d’une période de transition de dix-huit mois, du 13 décembre 2021 au 30 juin 2023. L’Etat français sera alors tenu par une obligation constitutionnelle d’ouvrir une négociation politique. L’accord de Nouméa prévoit que « si la réponse est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ». A ce stade, on entre dans l’inconnu : quels seront les « partenaires politiques » concernés, quelle sera la méthode de discussion, quel sera le contenu du projet, quel sera le corps électoral appelé à se prononcer ?
Si on part de l’hypothèse que le non sera largement majoritaire, il appartiendra aux « partenaires politiques » de s’accorder a minima sur un calendrier de discussions. Les dernières déclarations du FLNKS permettent de penser que la phase allant du 13 décembre 2021 à la fin du mois de juin 2022, c’est-à-dire jusqu’à ce que se soient déroulées les élections [présidentielle et législatives] nationales, ne constituera pas une période propice à une discussion politique sereine. Néanmoins, durant cette première phase, un comité des signataires pourrait être réuni afin de faire notamment le bilan de l’accord de Nouméa sur le plan institutionnel, économique et social, mais aussi en prenant en compte la logique de décolonisation qui l’anime.
Faire la lumière sur les nombreux aspects positifs de cet accord historique, mais aussi identifier ce qui n’a pas fonctionné, paraît constituer un préalable à toute discussion politique. Sans entrer dans le détail, notons simplement que le principal objectif de l’accord, à savoir inscrire celles et ceux qui peuplent ce pays dans un destin commun a déjà été en grande partie réalisé. Si on excepte quelques boutefeux, nul ne songe plus à dresser l’un contre l’autre « peuple français » et « peuple kanak ».
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