La victoire de la social-démocratie allemande: pourquoi ?
Un article qui pourrait faire réfléchir la social-démocratie française républicaine concernant le succès de la social-démocratie allemande.
La victoire du nouveau chancelier social-démocrate Olaf Scholz réside dans le fait d’avoir su renouer avec l’électorat populaire, en mettant en avant les questions économiques et sociales, de nouveaux engagements européens et une politique audacieuse en matière de transition écologique, analyse, dans une tribune au « Monde », l’historien et germaniste Jacques-Pierre Gougeon.
Tribune.
A un moment où un social-démocrate, Olaf Scholz, incarnation du « centre gauche », va diriger l’Allemagne, alors que l’Europe du Nord et une partie de l’Europe du Sud sont dirigées par des sociaux-démocrates et que, en contraste, la gauche française semble à la peine, il peut être intéressant de revenir sur les raisons du succès de la social-démocratie allemande.
Balayons d’abord une analyse que l’on a pu trouver ici ou là et qui est un peu facile : la victoire d’Olaf Scholz serait due à la faiblesse du candidat chrétien-démocrate. Certes, ce dernier a multiplié les maladresses et est apparu en « décalage » et finalement peu à la hauteur, d’autant que, dès le début, sa candidature a été contestée par une partie de son camp. Mais pour qui analyse les choses avec plus d’attention, les raisons de la victoire sociale-démocrate, courte certes (25,7 % pour le Parti social-démocrate, SPD, contre 24,1 % pour l’Union chrétienne-démocrate, CDU), sont plus profondes. Cela n’a pas été suffisamment relevé, le Parti social-démocrate a, lors de cette élection, renoué avec l’électorat populaire dont il avait commencé à perdre les faveurs aux élections fédérales de 2009, alors qu’il recueillait encore, en 2005, 44 % du vote des ouvriers et 35 % du vote des employés.
Lors des dernières élections fédérales, 26 % des ouvriers et 24 % des employés ont voté pour le SPD soit un gain respectif de 3 et 4 points par rapport à 2017. En outre, 32 % des salariés syndiqués ont fait ce choix. Ce constat est à mettre en parallèle avec le fait que le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) avait dû son résultat élevé de 2017 en grande partie à une percée parmi les ouvriers (21 % soit un gain de 15 points par rapport à 2013), se déclarant depuis « parti ouvrier ». Cette évolution tangible en 2021 est à mettre en relation avec la volonté du Parti social-démocrate et d’Olaf Scholz lui-même d’un positionnement clairement social de sa campagne qui correspondait par ailleurs au glissement de son parti ces dernières années.
Cette mutation a été marquée par une prise de distance, voire une rupture, sur certains sujets, avec l’ère de l’ancien chancelier Gerhard Schröder dont Olaf Scholz avait pourtant été l’un des acteurs comme secrétaire général du SPD. Les analyses de l’historien Mark Lilla sur l’élection américaine de 2018 ont été observées de près par les sociaux-démocrates allemands : selon cet universitaire, la campagne libertaire d’Hillary Clinton, trop tournée vers les questions liées à la diversité et les interrogations des libéraux des grandes villes, a fini par oublier les enjeux économiques et sociaux, poussant une large partie des ouvriers des régions industrielles à voter en faveur de Donald Trump
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