Présidentielles- «Les contradictions de Zemmour».

Présidentielles- «Les  contradictions de  Zemmour».

Par Laurent Fary dans l’Opinion 

«En convoquant jusqu’à la caricature l’Appel du 18 juin, Eric Zemmour sera-t-il parvenu à capter l’autorité du général de Gaulle ?»

 

Eric Zemmour est candidat à l’élection présidentielle. L’objet audiovisuel qu’il a publié sur les réseaux sociaux pour officialiser ce dont plus personne ne doutait ne révèle aucune surprise sur le fond. Les fidèles du polémiste y retrouveront tous ses thèmes de prédilection, de l’immigration au déclin de la France en passant par la menace islamiste et le « grand remplacement ».

La forme, en revanche, interroge. Qu’un candidat « se réfère à » ou « se réclame de » est classique ; mais qu’il mime – au sens théâtral du terme – la personnalité censée l’inspirer est inédit. En convoquant jusqu’à la caricature l’Appel du 18 juin, sera-t-il parvenu à capter l’autorité du général de Gaulle ? A coup sûr, en tout cas, il aura pris le risque – première contradiction – de réduire ce moment à un simple exercice de com’ déclinant en version vidéo les sujets, les raisonnements et les thèses répétés à l’envi depuis de nombreuses années.

. Etonnant, dans ces conditions, que le même puisse regretter sur TF1 de n’avoir pas été interrogé sur son « projet politique ». Comme si le néo-candidat critiquait déjà son propre mode opératoire…

Invité du 20 Heures, Eric Zemmour a également assuré que ce n’était plus « le journaliste, l’écrivain » qui s’exprimait, mais bel et bien l’aspirant à la fonction suprême. Pourquoi, dans ces conditions, parsemer sa vidéo d’images issues du « tour de France » de promotion de… son livre ? En communication, on parle « d’incongruence ». En politique, c’est une contradiction, la seconde, puisque le candidat n’a d’autres ressources, pour asseoir sa légitimité, que d’appeler à la rescousse l’auteur à succès.

Reste une troisième contradiction. La moins visible mais la plus intéressante, puisqu’elle renvoie à la seule promesse innovante de cette vidéo. Eric Zemmour y dénonce en voix off ces juges qui « substituent leur férule juridique au gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». A l’image, le marteau du magistrat frappe le pupitre au moment du verdict. Ce symbole généralement positif – la justice qui s’accomplit – devient ici emblématique de ce qui frustre. Dès 2018, Eric Zemmour le proclamait : « Toute action politique doit être sous la surveillance du juge. Donc, ça rend impossible l’action politique ». A la fin de cette même vidéo, l’orateur conclut par un vibrant « Vive la République et surtout, vive la France ». Formule étonnante par laquelle la République devient optionnelle…

 L’Etat de droit condamné, la République relativisée, au cœur d’un film totalement singulier dans sa conception. Un nouveau registre annonciateur d’un nouveau régime ? Pour le coup, on aurait aimé que la question lui fût posée, tant la communication fonctionne ici par petites touches « suggestives », contrastant avec le style de celui qui revendique un discours toujours direct.

 

Laurent Fary est conseiller en communication politique, directeur du département des affaires publiques de l’agence Epoka.

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