Pour un euro numérique suffisamment sexy
Les chercheurs Bruno Colmant, Charles Cuvelliez et Jean-Jacques Quisquater, listent, dans une tribune au « Monde », les avantages et les inconvénients de la monnaie électronique que la Banque centrale européenne pourrait lancer en 2026.
Tribune.
L’euro numérique sera une cryptomonnaie adossée à l’euro et certifiée par la Banque centrale européenne (BCE). Il dématérialisera l’euro. Il corrigera un anachronisme qui veut que la seule relation directe entre le citoyen et sa banque centrale, institution-clé, est restée inchangée depuis des siècles, par le biais d’un lien matériel et désuet : le billet de banque.
S’inspirer des bitcoins pour évoluer, c’est bien, mais la BCE a-t-elle bien évalué les conséquences d’un canal parallèle aux pièces et billets pour l’utilisation quotidienne de la monnaie ? N’y-a-t-il aucun risque pour la stabilité financière ? La Banque des règlements internationaux (BRI), la BCE et ses homologues américain, britannique, canadien, japonais, suédois et suisse ont enfin abordé ces questions dans deux rapports importants : « Central Bank digital currencies : system design and interoperability » ; et « Central Bank digital currencies : user needs and adoption » (septembre 2021).
Un euro numérique s’intégrera dans des services qui n’auront plus besoin de l’intervention de prestataires tiers pour assurer le paiement. On pourra payer en cash (numérique) à l’autre bout du monde. Qu’on songe au long cheminement qui contrarie tant d’actes d’achat pour payer sur le Net ou dans une application avec sa carte de crédit. L’Etat peut aussi l’utiliser pour verser ses aides sociales ou recevoir les taxes dans une relation directe avec le citoyen ; il peut même devenir un véritable instrument de politique budgétaire, fiscale, sociale.
L’euro numérique est également idéal pour les micropaiements, puisqu’il n’est plus nécessaire de rémunérer les intermédiaires. Les paiements transfrontaliers seraient aussi facilités : qui ne s’est pas confronté au casse-tête d’un paiement depuis un pays étranger où l’on n’a pas de compte en banque ?
L’euro numérique offre un accès direct à l’argent de la Banque centrale européenne sans devoir passer par un compte dans une banque commerciale ou s’encombrer de liasses de billets. Il n’y a rien de plus sûr pour préserver la sécurité et la confidentialité du paiement : une banque centrale n’ira pas monnayer vos données de paiement…
Tout cela est utile et fonctionnel, mais est-ce assez « glamour » pour s’imposer dans la jungle des moyens de paiement toujours plus efficaces, moins chers et mieux sécurisés, proposés par de nouveaux acteurs comme Apple Pay ou Revolut, qui rendent fluide le moment du paiement et l’accompagnent de services et de la sécurité qui rassurent le client ?
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