Une sous-estimation des impacts climatiques par la BCE
Les professeurs Aurélien Acquier et Jérôme Creel analysent, dans une tribune au « Monde », les résultats du premier stress test climatique conduit par la Banque centrale européenne (BCE), mais se demandent si les auteurs ont bien lu les rapports du GIEC.
A la veille de l’ouverture de la COP26 (31 octobre-12 novembre 2021), la Banque centrale européenne (BCE) publiait, le 22 septembre 2021, les résultats de son étude de résilience au risque climatique (climate stress test) en Europe à l’horizon 2050, reconnaissant ainsi que « le changement climatique constitue une source majeure de risque systémique » pour les économies européennes.
Outre la composition d’une base statistique impressionnante de quatre millions d’entreprises et 1 600 banques, cette étude fait partie d’une nouvelle génération de stress tests climatiques qui dépasse les études précédentes. Jusqu’ici, elles ne portaient que sur les « risques de transition », c’est-à-dire les coûts économiques induits par les politiques visant à « décarboner » l’économie.
Dans ce cadre, le risque n’était envisagé qu’à travers les pertes financières des industries fortement dépendantes des énergies fossiles (industrie automobile, pétrolière). Ce faisant, ces premiers tests ignoraient les risques liés aux catastrophes climatiques (inondations, sécheresses, perte de productivité agricole, etc.).
PIB européen inférieur de 10 % en 2100
L’étude de la BCE corrige cette myopie : à côté des « risques de transition », elle intègre l’existence de « risques physiques », c’est-à-dire les dommages financiers causés par les catastrophes climatiques, vouées à s’accroître drastiquement faute d’action significative sur le front du climat.
Ce qui interpelle néanmoins, c’est l’écart entre un discours empreint de gravité dans la présentation des principales conclusions et le contenu concret et chiffré de l’étude de la BCE. Selon celle-ci, sans mesures fortes, en 2100 le PIB européen pourrait être de 10 % inférieur à ce qu’il serait dans un scénario de transition ordonnée.
Si aucune politique de lutte contre le changement climatique n’était mise en œuvre, une entreprise européenne médiane subirait une perte de 40 % de sa profitabilité et une hausse de 6 % de sa probabilité de défaut en 2050, par rapport à une situation dans laquelle l’accord de Paris serait respecté.
Aucun pays européen en conformité avec les objectifs climat
La lecture détaillée de l’étude laisse entrevoir une grave sous-estimation des impacts du changement climatique sur les économies européennes, en lien avec certaines hypothèses discutables du Network for Greening the Financial System (NGFS – réseau lancé en 2017 et qui réunit 89 banques centrales et superviseurs) sur lesquelles se fonde la BCE. Une première série de questions concerne le réalisme des scénarios retenus.
0 Réponses à “Une sous-estimation des impacts climatiques par la BCE”