Une hausse des taux d’intérêt compatible avec la croissance ?
Frédéric Leroux, membre du comité d’investissement stratégique de Carmignac estime que les banques centrales pourraient retrouver des marges de manœuvre sur les taux… à moins que le variant Omicron ne rebatte les cartes, estime, dans une chronique, Frédéric Leroux, membre du comité d’investissement stratégique de Carmignac. ( Le Monde)
A l’approche des fêtes de fin d’année, la menace du Covid-19 a refait surface sur les marchés financiers avec la découverte du nouveau variant Omicron, dont les effets sur l’économie mondiale pourraient être récessifs et inflationnistes. C’est en tout cas la crainte qui a animé vendredi 26 novembre les marchés financiers, dans une réaction très vive à la diffusion de cette nouvelle.
S’il est encore trop tôt pour savoir quelles seront les conséquences du variant, les banquiers centraux entrevoient, pour l’heure, un retour progressif à une inflation léthargique et à une croissance poussive de l’économie mondiale.
Dopé par des politiques de taux d’intérêt toujours plus bas, l’endettement n’a cessé de croître. Ce cocktail – concocté depuis trop longtemps par les banques centrales – est aussi euphorisant pour les marchés financiers qu’il est déprimant pour les ménages qui voient stagner leurs salaires, victimes collatérales de cette croissance atone sous perfusion monétaire.
En excluant la nouvelle menace Covid-19, les investisseurs envisagent, eux, un scénario différent. Ils anticipent ainsi une inflation un peu plus tenace et des hausses de taux directeurs plus rapides et plus nombreuses que ce que prévoient les banques centrales.
Plus de déboires que de satisfactions
Jusqu’à présent, les investisseurs obligataires n’ont pas vraiment voulu, ou pu, se mesurer aux autorités monétaires. Il faut en effet aujourd’hui beaucoup d’énergie, de courage et des poches profondes pour lutter contre cette « répression financière » qui contraint les fonds privés vers le financement des déficits et de la dette publics contre une rémunération si faible qu’elle est parfois négative. L’économie de marché a grand besoin d’une politique monétaire plus orthodoxe.
Les investisseurs anticipent une inflation un peu plus tenace et des hausses de taux directeurs plus rapides et plus nombreuses que ce que prévoient les banques centrales
Comment les taux d’intérêt pourraient-ils retrouver leur signification économique pour permettre à l’entrepreneur de récupérer sa boussole et au système économique, sa capacité à allouer les ressources de façon optimale ?
Un consensus plus large sur une inflation durablement supérieure aux objectifs des banques centrales (fixés entre 2 % et 2,5 %) devrait finir par favoriser l’ajustement des taux d’intérêt. Or – bonne nouvelle ! –, un changement de paradigme est en train de s’opérer aux Etats-Unis, où la raréfaction de la main-d’œuvre disponible met le salarié américain en position de force dans les négociations sur les rémunérations.
Cela devrait nourrir l’inflation et l’installer durablement au-delà des objectifs des banquiers centraux après des décennies de résignation salariale qui ont nourri l’humeur déflationniste des consommateurs. Les enquêtes statistiques sur le sentiment des consommateurs tendent d’ailleurs à montrer que ces derniers rechignent de moins en moins, pour s’équiper, à passer à l’acte malgré les hausses de prix parfois fortes de certains biens d’équipement.
Le retour potentiel d’une boucle prix-salaires approche, tout comme l’heure de la normalisation des politiques monétaires. Reste qu’une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt sans croissance positive apporterait plus de déboires que de satisfactions.
Inflation et taux d’intérêt plus élevés
Mais, là aussi, les bonnes surprises sont nombreuses et plusieurs éléments alimentent la perspective d’une croissance soutenue à moyen terme. Les programmes américains de soutien aux ménages ont engendré une épargne disponible et un effet richesse considérables depuis le début de la pandémie. La réouverture de l’économie mondiale et la fin prochaine des pénuries actuelles vont libérer encore davantage de croissance économique.
La profitabilité record des entreprises va favoriser les investissements. Les taux d’intérêt réels devenus très négatifs sous l’effet de la répression financière encouragent également l’investissement et pourront même nettement remonter avant de devenir un frein, voire un obstacle. L’économie chinoise, dont le cycle est décalé par rapport au cycle américain (les Etats-Unis sont en expansion monétaire et budgétaire alors que la Chine met actuellement en œuvre des politiques monétaire et budgétaire restrictives qui ralentissent l’activité), pourrait aussi prendre le relais comme moteur de la croissance mondiale, le moment venu.
A moins d’un impact majeur du nouveau variant Omicron, il y a donc une fenêtre de tir durant laquelle la croissance semble pouvoir s’accommoder d’une inflation et de taux d’intérêt plus élevés. Une première depuis longtemps, qui ouvre la voie à une croissance nominale forte, capable d’éroder la dette.
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