le danger d’une grande « sécu »
L’ancien syndicaliste Gaby Bonnand plaide, dans une tribune au « Monde », en faveur du rôle spécifique des assurances mutualistes, que la « grande Sécu » ne doit pas remettre en cause.
Tribune. Les discussions, apparemment techniques, sur la « grande Sécu » sont révélatrices d’un débat plus fondamental, portant sur la démocratie et la façon d’organiser la solidarité. L’idée de « grande Sécu » repose sur une conception de la démocratie structurée autour d’un Etat omniprésent et centralisé. Le système actuel, avec sa multiplicité d’acteurs, est considéré comme inefficient et générateur d’inégalités. L’objectif serait de redonner à une Sécurité sociale sous contrôle étatique la responsabilité d’organiser la solidarité entre citoyens, car l’Etat serait le seul légitime à le faire.
Mais cette approche cache mal une autre réalité, celle d’un Etat minimal qui renvoie à une conception de la démocratie où liberté et responsabilité individuelles l’emporteraient sur l’égalité et la solidarité. Dans ce cas de figure, les dépenses publiques sont consacrées à un socle de protections minimales, laissant pour le reste l’individu libre de choisir des offres de protection sur le marché.
Il est facile de comprendre que, dans une situation où les finances publiques se raréfient, les fonds publics attribués à la protection sociale dépendront davantage des contraintes budgétaires que des besoins des populations. Derrière l’idée de « grande Sécu » se profile la réduction de la dépense publique de protection sociale, un assèchement des dynamiques de solidarité portée par les mutuelles, et le développement d’un système de santé à deux vitesses.
Décrypter ce qui se joue dans ce débat n’est pas simple, d’autant que nous sortons d’une pandémie au cours de laquelle des mesures concrètes ont été prises pour simplifier les démarches des patients en offrant une prise en charge à 100 % des soins et des hospitalisations liés au Covid-19. Les Français ont donc fait l’expérience d’un système moins complexe, ce qui peut les rendre sensibles à l’idée de la « grande Sécu ».
Quatre défis à relever
Ce qui est moins visible, c’est le coût de l’opération. Dans l’immédiat, le gouvernement a décidé de taxer les mutuelles et autres complémentaires santé pour financer les surcoûts. A l’avenir, comme le souligne le rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie, les prélèvements obligatoires devront augmenter, alors que leur poids, nous dit-on, est déjà trop élevé en France.
Refonder notre protection sociale suppose de relever quatre défis. Premièrement, lutter contre les inégalités d’accès aux soins générées par des questions de solvabilisation d’un certain nombre de personnes, et par les problèmes d’organisation du système de santé lui-même. Deuxièmement, développer davantage la prévention, parent pauvre de notre système actuel. Troisièmement, innover dans des prises en charge utiles mais non prises en compte par l’Assurance-maladie qui, selon la direction de la Sécurité sociale, « n’a pas vocation à rembourser des activités ayant des externalités positives sur la santé ». C’est dans ce cadre que des mutuelles peuvent innover, comme elles l’ont fait en prenant en charge les consultations chez le psychologue, par exemple. Quatrièmement, redonner des espaces de responsabilité collective aux citoyens dans l’organisation d’initiatives de solidarités civiles de proximité.
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