5G : le mythe des ondes dangereuses ?
OPINION.
On n’entrevoit probablement qu’à peine les applications qui seront demain rendues possibles par la 5G. Pourtant, son déploiement a suscité voilà quelques mois une levée de boucliers sans précédent, et la 5G fut pilonnée et accusée de tous les maux. Dernier écho en date: la 5G pourrait perturber les radioaltimètres des avions et provoquer paralysie aéroportuaire et incidents aériens. Crash en vue pour la 5G ou simple effet de manche interroge dans la Tribune Sébastien Point, physicien et ingénieur, spécialiste des sciences & technologies, président de la section Rayonnements non ionisants de la Société française de radioprotection.
Une information sur de potentielles interférences entre les ondes de la 5G et les radioaltimètres des avions a depuis peu contribué à ranimer les débats sur la pertinence de déployer la technologie 5G, laquelle technologie avait subi, il y a quelques mois, de violentes attaques d’une mouvance écoésotérique radicale qui y voyait un asservissement de l’humanité aux machines ou encore une immense catastrophe sanitaire à venir.
Ainsi, après s’être demandé si la 5G pouvait être dangereuse pour la santé des individus et non satisfaite sans doute d’avoir dépensé tant d’énergie à débattre de son éventuel impact environnemental, voilà qu’une partie de la presse se demande désormais si la 5G ne serait pas dangereuse pour… les avions. On lit ainsi, sur le site lechotouristique.com[1] , que des compagnies aériennes « pourraient être contraintes d’annuler, de retarder ou de détourner des vols dans les 46 zones américaines où se trouvent des tours 5G ».
Un avertissement qui ne date pas d’hier
En cause, la proximité des fréquences utilisées par les radioaltimètres des avions avec l’une des bandes de fréquences des émetteurs 5G. Sont rapportés sur de nombreux sites d’information en ligne les propos d’un porte-parole de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) avertissant que « l’utilisation d’appareils 5G à bord des aéronefs pourrait conduire à des risques d’interférences conduisant à des erreurs potentielles sur les mesures d’altitude », ce qui serait critique lors des phases d’atterrissage et de décollage. Le site lesnumériques.com[2] insiste quant à lui sur le fait que l’avertissement ne date pas d’hier puisqu’aux Etats-Unis l’Administration fédérale de l’aviation (FAA) « avait déjà alerté à ce sujet l’an dernier » et qu’« en France, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) avait demandé en 2020 des analyses techniques supplémentaires avant l’allumage d’antennes 5G proches des aéroports ».
Néanmoins, comme le précise la FAA, « il n’a pas encore été rapporté d’exemples prouvés d’interférences dues aux réseaux de téléphonie sans fil au niveau international », et certains, à l’image du site nouvelles-du-monde.com[3], se demandent si tout cela n’est pas monté en épingle pour des raisons bassement politiques de concurrence entre l’Administration fédérale de l’aviation et la Commission fédérale des communications.
Quoiqu’il en soit, il y a fort à parier qu’une fois les ajustements techniques réalisés, cette histoire, qui relève de la compatibilité électromagnétique, un champ d’investigation scientifique bien encadré normativement et parfaitement connu des ingénieurs, finisse par ressembler à un simple trou d’air dans le déploiement de la 5G. Le fait qu’elle fasse les gros titres montre néanmoins que le débat n’est pas apaisé et qu’une certaine presse gagnerait peut-être à ce qu’il s’enflamme à nouveau. Car, faut-il le rappeler, aucune des accusations proférées à cors et à cris contre la 5G n’a jamais bénéficié de réel fondement, et toutes se sont révélées in fine appartenir au domaine de la croyance.
Exposition aux champs électromagnétiques
On a dit de la 5G qu’elle multiplierait l’exposition aux champs électromagnétiques par 10 ou 100 : ces allégations démagogiques n’avaient aucune chance d’être justes compte-tenu des lois qui régissent la physique des ondes, et effectivement les mesures réalisées en France par l’Agence nationale des fréquences ont confirmé que l’élévation du niveau de champ électrique à proximité des émetteurs 5G était tout à fait négligeable, les points les plus élevés étant toujours très en deçà des valeurs limites d’exposition. On a entendu que la 5G rendrait la vie définitivement impossible à tous les électrosensibles du monde, en dépit de l’évidence grandissante de la nature psychiatrique de cette maladie, dont j’ai montré ailleurs [4], qu’elle était très probablement une phobie spécifique.
On a affirmé que la 5G avait tué les oiseaux du parc Huygens, à La Hague… lesquels oiseaux avaient en réalité consommé des baies toxiques. On a dit de la 5G, sur la base de modèles numériques, qu’elle décimerait les insectes… Mais aucune observation in situ ne confirme les résultats de ces modélisations. On a dit de la 5G qu’elle décuplerait les consommations électriques, qu’elle favoriserait la surveillance de la population, et même qu’elle accélèrerait la transmission de la Covid-19, que certains activistes complotistes ont rebaptisé du doux nom de « syndrome d’hypertoxicité Covid-5G ». On a tout dit sur la 5G. Sauf peut-être l’essentiel : que nulle nation ne peut se permettre, à notre époque, de retarder volontairement son progrès scientifique, technologique et économique, sauf à accepter de devenir le spectateur de son propre devenir.
Des perspectives que l’on ne peut qu’entrevoir aujourd’hui
A ceux qui les développeront et les maitriseront, les nouveaux outils de communication, dont la 5G fait partie, offriront des perspectives que probablement l’on ne peut qu’entrevoir aujourd’hui : désenclavement culturel et économique de régions entières du globe sans besoin de réseaux routiers supplémentaires ; partages de données entre ingénieurs et chercheurs, sans nécessité de déplacer des dizaines ou des centaines d’entre eux en un même lieu ; opérations ou consultations à distance, en réponse aux problèmes de désertification médicale. Sécurisation des grands axes routiers et des bâtiments, supervisés en temps réel.
Et après-demain, c’est l’exploration et la conquête des planètes de notre système solaire par des robots intelligents et interconnectés, puis par l’Homme, qui seront rendues possibles. Face à ces perspectives immenses pour l’avenir, cet épisode des interférences avec les radioaltimètres des avions est anecdotique et ne révèle rien d’autre qu’une énième tentative d’instrumentaliser les peurs de la 5G au profit de quelques-uns et au détriment du plus grand nombre.
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[1] Aérien : la 5G est-elle dangereuse pour les avions ? (lechotouristique.com)
[2] La 5G pourrait-elle perturber le trafic aérien ? – Les Numériques (lesnumeriques.com)
[3] La préoccupation de la FAA concernant l’interférence des avions est-elle légitime ? – Nouvelles Du Monde (nouvelles-du-monde.com)
[4] Sébastien Point, La religion anti-ondes : comment médias et associations ont fabriqué les électrosensibles, 2021.
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