Incompatibilité environnement, social et gouvernance ?
Le politiste Yannick Mireur et la consultante Aline Rutily expliquent, dans une tribune au « Monde », pourquoi vouloir concilier les critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance, d’un côté, et la compétitivité des entreprises, de l’autre, relève de la mission impossible.
Tribune.
En soutenant l’impératif largement partagé de la décarbonation, notamment par une utilisation plus responsable des ressources, la transition écologique dicte de plus en plus la stratégie des groupes. Mais, si elle modifie ainsi l’utilité sociale de l’entreprise, renforce-t-elle au même degré sa performance économique et commerciale ? La question est spécialement saillante dans un commerce mondial chamboulé par la Chine et l’activisme mercantiliste de son Etat-parti, auquel les pressions américaines ne changeront rien.
Comment les dirigeants d’entreprise peuvent-ils concilier la responsabilité sociale et environnementale (RSE), ou ce que désormais l’on appelle les critères ESG – environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance –, et certains principes cardinaux ?
La raison d’être de l’entreprise est en effet d’être profitable en produisant des biens ou des services pour ses clients, en fournissant des emplois stables et justement rémunérés, en rémunérant aussi ses actionnaires et investisseurs, en traitant bien ses fournisseurs et même, plus récemment, en apportant du bien-être. Sauf à devenir un impératif absolu prévalant sur toute autre considération – ce qui est peut-être souhaitable –, la transition écologique doit bien en tenir compte.
De fait, et alors qu’une écrasante majorité de l’opinion considère que l’entreprise doit être le moteur de la transition écologique, il est désormais de plus en plus risqué pour leurs dirigeants, quels que soient leur taille et leur secteur, de s’affranchir d’un plan mettant les enjeux sociétaux et environnementaux au cœur de leur stratégie.
Concilier les exigences environnementales, le rendement par action et la compétitivité sous l’œil des marchés, tout en contribuant aux attentes de la société en termes de pouvoir d’achat et d’emploi et, de plus en plus, d’une sorte de sérénité, ne revient-il pas à la quadrature du cercle ? L’utilité sociale de l’entreprise semble tiraillée entre ces objectifs parfois contradictoires, alors que monte la pression sur les conseils d’administration.
D’autant que leurs financeurs désormais entrent en scène en s’emparant du défi climatique, à l’instar de Larry Fink, président de l’emblématique fonds BlackRock, qui appelait dès janvier 2020 à un tournant décisif de la finance en faveur de critères de décarbonation dans les stratégies d’investissement. Ou de Christine Lagarde, ouvrant la voie à un rôle d’aiguillon de la Banque centrale européenne dans le même sens, sans oublier les investisseurs « à impact ».
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