Où va la France ? : dans le mur ?
Dans un essai ambitieux, le sociologue Michel Wieviorka imagine les chemins que pourrait emprunter l’Hexagone après la pandémie, et tente d’atténuer son diagnostic pessimiste en tirant les leçons du passé, notamment du redressement du pays après 1945. ( Le Monde)
Livre.
Comment, et dans quel état, la France sortira-t-elle de la pandémie : consciente des changements qui devraient s’opérer à son échelle et à celle de la planète ? Résiliente et capable d’impulser notamment une politique européenne vigoureuse ? Ou, au contraire, affaiblie et mal positionnée pour assurer son propre avenir ?
Au-delà, se demande Michel Wieviorka, le pays est-il capable – et politiquement capable – d’affronter les grands défis contemporains, lesquels dépassent évidemment l’horizon d’une élection présidentielle ? Première option évoquée par le sociologue : la France se « métamorphose », c’est-à-dire qu’elle se transforme en profondeur après avoir constaté la déstabilisation de toutes ses certitudes. Michel Wieviorka est un grand lecteur de son confrère allemand Ulrich Beck, mort en 2015, dont le dernier livre, The Metamorphosis of the World (Polity Press, 2017), évoquait le bouleversement du monde actuel en préférant le terme « métamorphose » à celui de « changement », qui négligeait, selon lui, une partie de l’analyse.
Deuxième hypothèse : la régression, avec l’idée que la pandémie de Covid-19, au lieu de favoriser la mutation, ferait que le pays « loupe la marche, et peut-être même s’engage dans un processus de déchéance historique ». Pour creuser cette option décliniste, l’auteur fait, cette fois, référence aux travaux de l’historien allemand Philipp Blom, qui a examiné les conséquences sur les sociétés européennes d’un brutal changement climatique survenu au XVIe siècle. S’il a eu pour conséquence de balayer des structures anciennes et, en bout de ligne, de favoriser un essor économique, industriel et social dans des pays comme l’Angleterre et les Pays-Bas, l’Espagne, elle, s’enfonçait dans un profond déclin.
« Tentation de l’autoritarisme »
« Pour la France, l’idée de métamorphose pourrait bien n’être qu’un rêve éveillé, une utopie oublieuse de tendances bien réelles à la déchéance, d’autant plus ravageuse que la méfiance règne et que les fractures culturelles et sociales, et la tentation de l’autoritarisme, droitisent le pays », estime Michel Wieviorka. Qui redoute l’instauration d’« un pouvoir illibéral adossé à des mouvements antisociaux, à la haine, à la méfiance, au ressentiment », tandis que les partis classiques s’avèrent faibles ou tentés par une radicalité sans perspective.
Un peu consterné, peut-être, par son propre diagnostic, à moins qu’il ne l’assortisse de la nécessaire part de doute inhérente à toute prophétie, l’auteur admet toutefois que, même s’il lui paraît difficile d’écarter une prévision assez sombre, « le pire n’est pas certain ». Un épisode historique, celui de la reconstruction du pays après le désastre de la seconde guerre mondiale, a d’ailleurs montré que des alliances politiques nouvelles et des réflexions formulées à chaud permettaient de sortir d’une situation dramatique. Le slogan un temps envisagé par le Conseil national de la Résistance pour son programme de redressement n’était-il pas « Les jours heureux » ?
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