La fin du parti socialiste

Le  politologue Gérard Grunberg*, directeur du site Telos, prévoit la fin du PS. (intreview JDD)

Dans certains sondages, les gauches, toutes tendances confondues, oscillent entre 24 et 29 % des intentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle. Comment expliquer cette faiblesse historique?
Cette faiblesse date de 2017 : à l’élection présidentielle, les gauches rassemblaient 28 %, contre 44 % en 2012. Il s’agit du niveau le plus faible depuis 1969. Cet effondrement est dû essentiellement au recul du parti socialiste, passé dans le même temps de 29 % à 6 %, et qui se situe encore aujourd’hui à ce niveau. Ça résulte de deux phénomènes : la moitié de cet électorat, plutôt social-libéral, a suivi Macron en 2017, tandis qu’une partie votait pour Mélenchon. Globalement, tandis que la gauche pourrait perdre près de 20 points entre 2012 et 2022, l’extrême droite en gagnerait plus de dix, dépassant 30 % (et 50 % chez les classes populaires). Dans la mesure où le candidat socialiste obtenait 6 % en 2017 sans la présence d’un candidat écologiste, les 5% d’Anne Hidalgo, concurrencée en 2022 par Yannick Jadot, n’ont rien d’étonnant. Ils ne font que confirmer la réalité du réalignement électoral de 2017.

Pourquoi la gauche est-elle aussi atomisée?
La gauche a toujours été plurielle. Son atomisation actuelle est due au fait, nouveau, qu’aucun parti ne peut y exercer un leadership, et donc œuvrer à son unité comme jadis le PS.

La chute du PS et de la gauche est-elle irréversible?

Faible et divisée, sans leader, la gauche n’est plus un acteur central du système politique français, comme elle l’a été sous Mitterrand. Pour le PS, cette chute est inexorable. Il y a de grandes chances que le parti tel qu’il est aujourd’hui, après avoir perdu deux tiers de son électorat en 2017, ne puisse pas rebondir. Il n’a pas d’alliés, ni d’offre politique renouvelée, une partie de son socle est passée chez Macron, et une autre chez les écolos… Si Anne Hidalgo totalise moins de 5 % des voix au premier tour, le parti devra payer ses frais de campagne alors qu’il est déjà exsangue. Cette déroute financière ajoutera un handicap énorme.

La social-démocratie française est-elle définitivement morte?
Le PS n’a jamais été véritablement un parti social-démocrate. Né marxiste et longtemps dominé par un PC qui était, lui, un grand parti ouvrier, il n’a jamais fait son Bad-Godesberg, le congrès du parti allemand (SPD) qui a rompu avec le marxisme en 1959 et a adopté le principe de l’économie sociale de marché. Ce qui lui a permis de donner la priorité à l’exercice du pouvoir, assumant ses compromis avec le libéralisme économique et acceptant de nouer des alliances sur sa droite. Le PS a toujours souffert du remords du pouvoir, n’estimant légitime que les alliances passées sur sa gauche et reniant dans l’opposition les compromis passés lorsqu’il était au pouvoir. Il a perdu cette ambition du pouvoir que lui avait inculquée François Mitterrand. En même temps, l’union de la gauche est morte. Le PS est donc non seulement faible, mais aussi isolé et sans stratégie. Ce PS-là aura bien du mal à reconquérir son statut de parti de gouvernement. Certes, les leaders socialistes se revendiquent sociaux-démocrates. Ont-ils compris qu’ils ne le sont qu’à demi ?

Dans d’autres pays européens, la social-démocratie se porte plutôt bien…
Comparée au socialisme français, il est clair qu’elle ne se porte pas trop mal en Europe occidentale. Ses résultats se situent entre 20 % et 36 %. Cependant, dans la plupart des pays, elle a perdu la position dominante qu’elle a pu occuper par le passé. Ces partis sont donc amenés à former des coalitions, plus souvent à droite qu’à gauche. Au Portugal, l’union de la gauche dirigée par les socialistes vient de se briser. En Espagne, les sondages montrent que la coalition du PSOE avec Podemos est en danger. En revanche, en Allemagne, le SPD est en situation de gouverner après les récentes élections, mais il lui faudra s’allier avec les Verts et le parti libéral. En Italie, le Parti démocrate participe à un gouvernement d’union nationale comprenant les populistes, la Ligue et le parti de Berlusconi, et qui est dirigé par un « technicien », Mario Draghi, ancien président de la BCE et ex-cadre de Goldman Sachs. La social-démocratie ne dirige au total que trois, peut-être bientôt quatre, gouvernements.

 

Le récit écologique a-t-il pris le leadership sur le récit social-démocrate?
Oui, c’est certain. La préoccupation écologique est devenue majeure dans l’électorat. Il n’est pas évident cependant que le parti écologiste (EELV) soit en mesure de profiter pleinement de cette situation. Son centre de gravité est plus à gauche que l’électorat écologiste potentiel. Il n’a jamais considéré que l’exercice du pouvoir était une priorité. Il est divisé entre ceux qui tendent la main à Mélenchon et ceux qui souhaiteraient ouvrir le parti et le positionner comme un futur parti de gouvernement. Sa stratégie n’est donc pas clairement lisible. En outre, sa focalisation historique sur le combat antinucléaire ne lui est pas nécessairement bénéfique.

Yannick Jadot et Anne Hidalgo pourraient-ils s’associer pour la présidentielle?
Non, et pour une raison simple : la logique du premier tour de l’élection présidentielle, c’est « la guerre de tous contre tous ». Il n’y a pas de raison que EELV, qui en 2017 avait soutenu le candidat socialiste, fasse de même en 2022, d’autant que son candidat dépasse la candidate socialiste dans les sondages. Quant au PS, l’absence d’une candidature socialiste diviserait gravement le parti et signerait sa fin. Hidalgo et Jadot ont affirmé l’un et l’autre qu’ils iraient jusqu’au bout. Ajoutons que si les deux partis peuvent s’entendre sur certains points, ils présentent sur d’autres de larges désaccords.

* Auteur, avec Alain Bergounioux, de L’Ambition et le remords – Les socialistes français et le pouvoir 1905-2005 (Fayard, 2005)

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