France: une société malade ?
« Dites-moi comment les rêves ne peuvent se vider de leur splendeur quand, confrontés aux infos en direct, le monde des hommes nous semble trop violent pour avoir ne serait-ce que l’espoir de le sauver ? », écrit dans le Monde Lise Pathéron-Richard, étudiante de 18 ans, dans un texte à destination des ces adultes qu’elle accuse d’avoir offert de faux espoirs à sa génération.
Un texte intéressant qui exprime en tout cas un mal-être mais qui manque quand même un peu de contenu NDLR
Comme dans un désaveu de fidélité, on nous a figuré une vie bien tracée : « Il faut aller à l’école et avoir de bonnes notes pour pouvoir un jour choisir un bon métier qui te plaît. » Combien de fois ai-je dû entendre cette phrase d’un de ces Grands me regardant comme petite chose bien fragile ? En me percevant de toute leur hauteur, j’ai acquiescé comme un soldat qui prendrait de simples ordres pour vérité absolue.
Enfants, porteurs d’espoir, vision d’avenir, les Grands nous ont menti. Ils ne nous offriront jamais ce qu’ils nous avaient promis. Depuis petits, on nous a dit d’aller à l’école pour bien réussir toute notre vie, comme si l’école était la voie royale, comme si elle ne pouvait pas simplement nous apprendre à réfléchir. Il était plus facile de nous demander à tous de viser la même case, en félicitant ceux qui y parvenaient et en ignorant ceux dont les genoux avaient flanché. Mais lorsque notre esprit a grandi et que nous pouvons chacun observer le monde dans lequel nous nous exaltons, les films du samedi soir ont perdu de leur couleur et la vie se ternit. Le voile de notre triste destin se lève alors pendant que nos rêves brûlent aux portes des enfers.
Alors, ne remettons pas la faute sur l’adolescence, car c’est ce désaveu de fidélité qui m’oppresse. Ne me vendez plus un avenir auquel je n’aurai pas droit. Si les Grands ne peuvent répondre de leurs actions, alors qu’ils ne me disent rien. Qu’ils ne me mettent pas dans la tête que nous aurons accès à une vie semblable à la leur et qu’ils ne nous blâment pas trop de rester enfermés dans nos chambres. Car comment vouloir se battre pour des idées lorsqu’il faut penser à rattraper du bout de nos forces les hôpitaux publics, ou encore trouver des foyers pour ceux qui fuient les sécheresses et eaux vengeresses tout en se confrontant au problème d’une économie stérile ?
Dites-moi comment vouloir se battre quand les écrans depuis petits nous ont mangé le cerveau, comme un rongeur un peu trop envahissant mais comme un refuge bien trop réconfortant ? Car dites-moi comment les rêves ne peuvent se vider de leur splendeur quand, confrontés aux infos en direct, le monde des hommes nous semble trop violent pour avoir ne serait-ce que l’espoir de le sauver ?
Comprenez alors la complexité de notre pensée : entre confrontation à une dure réalité et à celle qui arrive, entre se sentir chanceux d’être parmi la poignée de privilégiés mais, tout en sentant sa voix impuissante face à la volonté de changer un monde devenu sans issue enviable. Et voilà comment on tue l’action. On se laisse alors mourir lentement sur les réseaux pour éviter de penser que les Grands ont bien trop souvent leurs yeux vitreux tournés vers nos fragiles silhouettes.
Car lorsqu’on hurle à la mort notre détresse, les regards sont rapidement détournés mais lorsqu’on se cache dans l’obscurité d’une chambre étroite, ces mêmes regards perçants nous dévisagent comme pour montrer notre semblant désintérêt. Parlez donc à nos crises d’angoisse à douze ans, à nos troubles alimentaires qui n’en finissent plus et regardez en face nos dépressions ; vous comprendrez alors pourquoi ce désaveu de fidélité nous attaque au plus profond de notre être.
Grands que vous êtes, souvenez-vous toujours que lorsque notre voix aura assez de portée, votre règne de cruauté devra prendre fin car, dans ce modèle affreux de condamnation de l’avenir, vous resterez à jamais les assassins d’une part d’humanité. Et oui, nous sommes faussement désolés de ne pas nous être adaptés à votre société malade.
Lise Pathéron-Richard, Paris
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