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Economie, politique, société: les plus lus

Economie, politique, société: les plus lus

 

 

Les autres article du mois les plus lus

 

 

 

 

Société-Les risques d’une cyber catastrophe systémique ? (Guillaume Poupard, ANSSI)

Société-Les risques d’une cyber catastrophe systémique ? (Guillaume Poupard, ANSSI)

 

Pierre angulaire de la révolution numérique, la cybersécurité est aussi l’une des clés de la souveraineté technologique européenne. Guillaume Poupard, (ANSSI, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information ),  appelle la France à ne pas oublier les acteurs européens du cloud au profit des Gafam américains . (dans la Tribune, extrait)

La crise du Covid-19 a mis en évidence la fragilité des systèmes informatiques. L’Anssi a alerté fin 2020 que le nombre de victimes des cyberattaques a quadruplé en un an en France. Comment la situation évolue-t-elle en 2021 ?

GUILLAUME POUPARD - Cela ne fait que s’aggraver car la cybercriminalité se professionnalise depuis quelques années, avec pour principal objectif l’appât du gain par des réseaux organisés qui agissent comme de véritables entreprises. De fait, les attaques sont de plus en plus nombreuses et bien ficelées. Les cybercriminels ont mis en place un modèle économique du « ransomware as a service » (RaaS) qui est redoutablement efficace. Avec le RaaS, n’importe quel escroc sans compétence informatique peut devenir un cybercriminel. Les logiciels de rançon sont commercialisés clé en main sur le darkweb. Il y a des personnes qui développent les attaques, d’autres qui les vendent et d’autres qui les exécutent.

La conséquence de cette industrialisation de la cybercriminalité est l’explosion du nombre d’attaques. Entre le premier semestre 2020 et le premier semestre 2021, l’Anssi évalue la progression à +60% ! C’est donc une véritable catastrophe économique. Si on est de nature optimiste, on peut remarquer que la progression ralentit car c’était pire l’an dernier à la même époque, mais objectivement la situation est mauvaise. D’autant plus que les autres menaces, celles qui ne sont pas visibles, continuent de se développer.

Quelles sont-elles ?

L’espionnage. En parallèle de la cybercriminalité « classique » qui touche les entreprises, les collectivités et le grand public, se développe une cybercriminalité « stratégique », menée par des grands Etats avec des groupes affiliés. Cette cyberguerre existe depuis longtemps mais elle se renforce. Ces hackers mènent des campagnes de plus en plus complexes et massives, ils ont des moyens quasi-illimités et agissent dans le cadre d’un affrontement géopolitique entre les grandes puissances de ce monde. C’est la nouvelle guerre froide, mais dans le cyberespace. L’Anssi trouve des traces de ces réseaux partout.

Peut-on enrayer cette augmentation rapide et spectaculaire des cyberattaques ?

Il faut distinguer la cybercriminalité « classique » de la cybercriminalité étatique, car nous avons beaucoup plus de marge de manœuvre pour faire reculer la première. Les cyberattaques contre les entreprises et les collectivités prospèrent car personne n’est vraiment prêt. Mais ce n’est pas une fatalité, on peut agir. Si chacun fait un véritable effort, si chaque patron de PME, de TPE ou d’hôpital comprend qu’il a une responsabilité et qu’il doit allouer à sa cybersécurité un budget non-négligeable et incompressible, alors on peut casser cette dynamique et se protéger collectivement.

Il ne faut pas tout attendre de l’Etat : la cybersécurité est une responsabilité individuelle. Les particuliers doivent adopter de bons réflexes sur leurs mots de passe ou la mise à jour de leurs logiciels pour éviter de se faire piéger. Les entreprises et les collectivités doivent intégrer la dimension cyber dans tous leurs projets et porter le sujet au niveau de la direction générale. La cybersécurité est une composante de la transformation numérique de l’économie et de la société. Je crois qu’on vit une vraie prise de conscience et que dans cinq ans la cybercriminalité classique aura baissé.

Mieux se protéger collectivement permettra-t-il aussi de faire reculer la cybercriminalité étatique ?

Oui et non. Oui car il y a forcément un effet ricochet : les entreprises et organisations les mieux protégées sont moins attaquées. Une entreprise dans la supply chain par exemple, peut devenir la cible d’une cyberattaque d’origine étatique si l’objectif est d’affaiblir son client final. C’est ce qui est arrivé aux Etats-Unis avec l’attaque SolarWinds, qui a traumatisé les autorités car c’était une attaque massive contre le gouvernement fédéral et les réseaux énergétiques américains via un logiciel tiers, Orion, fourni par l’entreprise SolarWinds. Il faut donc mieux protéger à la fois les grands groupes et leurs écosystèmes.

Ceci dit, il est beaucoup plus difficile de stopper la cybercriminalité étatique car le niveau des assaillants est encore plus élevé. Pour lutter contre eux, il faut utiliser tous les moyens de renseignement et de coopération internationale. L’enjeu est de détecter au plus tôt les agressions pour les éviter ou atténuer leur gravité, mais aussi être capable de faire de l’attribution de menace pour avoir une politique de sanctions et une diplomatie plus efficaces. Aujourd’hui il est très complexe de relier de manière incontestable un réseau cybercriminel à un Etat, ce qui permet aux Etats de nier. Les militaires parlent du cyberespace comme d’un nouvel espace de conflictualité. Les Etats y préparent les conflits du futur, des agents dormants sont placés dans des secteurs stratégiques comme les transports, l’énergie, les télécoms, pour agir le jour où ils en ont besoin.

Vous êtes optimiste sur la capacité de la France à inverser la courbe des cyberattaques, mais aujourd’hui les PME, les TPE et les collectivités restent globalement mal protégées. Même les grands groupes souffrent d’énormes failles de sécurité qui sont régulièrement exploitées par les cybercriminels…

C’est vrai, mais aujourd’hui plus aucune entreprise du CAC40 ne sous-estime la menace cyber et le sujet est passé au stade de la direction générale, ce qui signifie que les budgets suivent. De plus, il y a une prise de conscience globale, à commencer par l’Etat qui a lancé sa stratégie cybersécurité en début d’année et qui consacre 1,3 milliard d’euros pour rassembler l’écosystème français de la cyber et accélérer la protection de tout le monde.

La réalité est que les plus mal protégés -TPE, collectivités, hôpitaux…- ne pensaient pas être des cibles. Ils ne sont pas idiots ni négligents, mais ils se disaient : « pourquoi serais-je attaqué alors qu’il y a tellement plus d’argent à récolter ailleurs ? » Sauf que l’expérience montre que tout le monde est attaqué, même les petits. Les petits paient même plus facilement la rançon, car l’arrêt forcé de leur activité à cause d’un ransomware peut les conduire à mettre très vite la clé sous la porte. Du coup tout le monde est en train de se protéger, mais cela prendra encore quelques années pour se mettre à niveau. C’est une course contre la montre mais je suis confiant sur le fait qu’on y arrivera.

De nombreux hôpitaux ont été attaqués depuis la crise sanitaire, dont plusieurs centres hospitaliers en France, notamment à Rouen, Dax et Villefranche-sur-Saône. Ces attaques ont révélé l’ampleur de leur impréparation. Mais ont-ils les moyens financiers, techniques et humains de bien se protéger ?

Les hackers avaient coutume de vanter une sorte de code de bonne conduite qui épargnait les hôpitaux, mais ce code a volé en éclat avec la crise sanitaire. Je doute même qu’il ait vraiment existé. A mon avis les hôpitaux étaient moins pris pour cible avant le Covid parce que les hackers voulaient éviter de se retrouver dans le radar des autorités, et attaquer un lieu sacré c’est le meilleur moyen d’attirer l’attention. Mais la réalité est que les cybercriminels n’ont aucune éthique. Le Covid-19 l’a prouvé de manière très cynique : attaquer un hôpital en pleine crise sanitaire c’est multiplier les chances qu’ils paient la rançon.

Pour revenir à votre question, la cybersécurité coûte cher, oui. Et encore plus pour un hôpital qui a déjà un budget très serré et des missions importantes de service public à mener. L’objectif pour les centres hospitaliers est qu’ils sanctuarisent entre 5% et 10% de leur budget informatique pour la cybersécurité. Ce n’est clairement pas le cas aujourd’hui mais c’est indispensable. Je ne leur jette pas la pierre car je me mets à la place d’un directeur d’hôpital qui doit choisir entre acheter des lits et des scanners ou protéger ses systèmes d’information des menaces cyber. Honnêtement, je comprends qu’il choisisse d’acheter des lits et des scanners. Surtout quand il n’a pas déjà été confronté à une crise cyber, car la menace lui paraît lointaine. Mais désormais il faut changer cette manière de penser et considérer que protéger ses systèmes informatiques relève de l’importance vitale.

Les aidez-vous à se mettre à niveau ?

Oui. L’Etat a octroyé une enveloppe de 136 millions d’euros à l’Anssi dans le cadre de sa stratégie de cybersécurité. Dans cette enveloppe, 25 millions d’euros sont consacrés aux établissements de santé. Chaque hôpital peut bénéficier d’un audit de cybersécurité et d’un plan d’action à hauteur de 140.000 euros. L’idée est de leur mettre le pied à l’étrier : on arrive, on fait l’analyse des risques, on établit avec eux une stratégie cyber, on les met en relation avec des prestataires de confiance certifiés par l’Anssi, et la machine est lancée. Les établissements de santé peuvent aussi bénéficier d’autres aides. Dans le Ségur de la santé, l’Etat déploie une enveloppe de 350 millions d’euros pour la sécurité numérique.

Quand l’Anssi intervient-il auprès des entreprises et des collectivités ?

Nous intervenons avant tout auprès des acteurs régulés, c’est-à-dire les opérateurs d’importance vitale (OIV) et les opérateurs de services essentiels (OSE). D’un côté ils ont l’obligation de présenter un niveau de sécurité élevé, et en contrepartie ils bénéficient d’un accès prioritaire à la capacité de réponse de l’Anssi en cas d’incident cyber. Des cibles que je qualifie de « politiques » bénéficient aussi de notre aide, soit en réaction à une attaque soit en anticipation. Par exemple, nous sommes intervenus en amont sur l’application TousAntiCovid, car l’impact politique et médiatique d’une attaque serait dramatique.

Quelquefois, l’Anssi peut être amené à intervenir auprès d’acteurs non-régulés comme certains établissements hospitaliers, par exemple l’an dernier à Rouen, Dax et Villefranche-sur-Saône. Dans ces cas on les a aidés en réaction à la cyberattaque et on a fait de la reconstruction, ce qui est rare car ce n’est pas dans notre ADN, mais pour les hôpitaux on peut le faire.

Parfois, l’Anssi choisit aussi d’intervenir à des endroits atypiques mais intéressants pour comprendre l’évolution de la menace, comme certaines PME ou TPE. Par exemple, nous avons passé plusieurs mois dans un Ehpad, à la grande stupéfaction de la direction qui n’a pas vraiment compris les raisons de notre présence ! Il s’avère qu’un attaquant de nature étatique qui nous intéressait particulièrement s’était installé sur les serveurs de cet Ehpad. Il ne souhaitait pas attaquer l’Ehpad mais il se servait de ce rebond pour cibler des acteurs stratégiques français. Il se pensait à l’abri sur les serveurs de cet Ehpad mais on l’a observé pendant plusieurs mois et cela nous a aidés à reprendre l’avantage sur lui.

L’Etat prévoit d’injecter 1,3 milliard d’euros pour développer l’écosystème cyber en France. Ce plan est-il à la hauteur des enjeux ?

Le fait que le sujet de la cybersécurité soit porté par le président de la République est incontestablement une grande avancée. L’argent mis sur la table et la philosophie d’action qui consiste à renforcer tout l’écosystème de la cyber, de la R&D aux startups en passant par les grands groupes, me paraissent aller dans le bon sens. Le gouvernement a intégré la question de la sécurité dans le domaine du numérique et c’est courageux car ce sont deux communautés qui ont longtemps eu du mal à se rencontrer.

Après, il est compliqué de se prononcer sur les montants car la cybersécurité est un effort permanent qui doit faire partie des coûts fixes d’une entreprise ou d’une collectivité. Ce coût est très variable, il dépend de la taille de la structure, de son secteur d’activités et d’où on part, c’est-à-dire s’il faut carrément refaire tous les systèmes d’information ou s’il faut juste moderniser les équipements et s’équiper en logiciels. Mais il faudra quand même mobiliser ces 5% à 10% du budget informatique. Cette dépense devient incompressible car la menace s’est concrétisée.

L’un des piliers de la stratégie cyber de l’Etat est la notion d’écosystème, matérialisée par la création d’un immense Campus Cyber à La Défense, dans lequel sont amenés à collaborer centres de recherche privés et publics, Etat, startups, PME et grands groupes. Mais n’est-il pas idyllique de penser que des entreprises concurrentes vont collaborer entre elles pour le bien de l’écosystème?

L’idée derrière le Campus Cyber et ses futures déclinaisons en Région c’est d’aller explorer des manières de travailler qui n’ont pas encore été tentées. Cette méthode de l’écosystème fonctionne dans le numérique, il faut l’appliquer à la cybersécurité et je constate que tous les acteurs ont envie de travailler ensemble et ont les moyens de le faire.

Donc idyllique, ça l’est forcément un peu, mais je préfère parler de pari. Pour être honnête c’était la crainte initiale et c’est pour cela que je parle d’utopie quand je m’exprime sur le Campus Cyber. A priori, c’est contre-nature pour des entreprises concurrentes de travailler les unes avec les autres. Mais cela va fonctionner car grâce à cette collaboration ils vont obtenir un avantage concurrentiel pour attaquer le marché européen voire international. Dans d’autres domaines industriels, les Français ont choisi de se regarder en chien de faïence et cela ne leur a pas porté chance. Cette erreur peut être évitée dans la cybersécurité grâce au Campus Cyber.

La différence c’est aussi que les acteurs de la cybersécurité ont l’embarras du choix, ils ne peuvent pas répondre à tous les appels d’offres car le secteur souffre d’une grosse pénurie de talents. La guerre des talents est assumée mais le Campus Cyber peut justement créer une émulation et une régulation de ce phénomène avec un code de bonne conduite où les mercenaires qui changent d’emploi tous les ans pour prendre une augmentation de 20% de salaire sont neutralisés.

La crise des talents est le principal problème du secteur de la cybersécurité, et du numérique en général. A quel point est-il difficile de recruter pour l’Anssi ?

Le recrutement est une préoccupation constante, majeure, et on y met beaucoup d’énergie. L’équation n’est pas favorable : il y a beaucoup plus d’emplois à pourvoir que de personnes pour les occuper. Mais je ne me plains pas car ce n’est pas très difficile pour l’Anssi d’attirer les talents, y compris les très bons. L’Anssi reste une marque forte, notamment pour des jeunes qui sortent d’école, qui ont soif d’apprendre et qui veulent être utiles. Travailler à l’Anssi c’est se mettre au service de la nation, côtoyer des équipes de top niveau, et réaliser des missions intéressantes et diversifiées. On voit chez nous des choses qu’on ne trouve pas ailleurs.

Après, il ne faut pas se cacher que l’Anssi est très formateur donc c’est aussi une super ligne à avoir sur le CV quand on veut passer dans le privé. Certains le regrettent. Moi je dis : oui, et alors ? La mobilité dans une carrière, c’est normal. A chaque fois qu’un talent part de l’Anssi, je prends le parti de m’en réjouir car cela veut dire que j’aurais un allié naturel dans le privé, qui est bon et qui contribue à construire l’écosystème. Ils peuvent partir du jour au lendemain par contre, quand ils estiment au bout de quelques années qu’ils doivent passer à autre chose. Donc il faut les intéresser pour les garder, mais je peux vous assurer qu’on ne s’ennuie pas à l’Anssi.

L’enjeu pour les entreprises c’est de se mettre au niveau rapidement. Quelle est l’approche la plus efficace ?

La question qui m’agace prodigieusement à la fin d’un Comex c’est quand on me demande « si vous n’aviez qu’un seul conseil ce serait quoi ? » Hé bien mon conseil, ce serait de vous y mettre sérieusement ! Aujourd’hui le sujet cyber monte dans les directions générales dans le privé, car certains ont pris la foudre et d’autres ont vu la foudre tomber pas très loin, donc ils ont compris. Mais dans le public et dans les petites entreprises on n’y est pas encore, d’où un énorme enjeu de sensibilisation. Des plans sectoriels peuvent être de bonnes idées pour mobiliser toute une filière, mais globalement il faut faire partout la même chose : prendre en compte la cybersécurité dès la conception des systèmes informatiques, améliorer la détection des menaces, l’anticipation des crises, avoir des plans de réaction et des plans de reprise d’activité en cas d’attaque… C’est ce que l’on impose aux opérateurs régulés et que l’on retrouve dans les textes européens.

En parlant d’Europe, on parle souvent de la nécessité de construire une « Europe de la cyber ». Mais concrètement, c’est quoi une « Europe de la cyber » ?

C’est une très bonne question et c’est tout l’enjeu de la présidence française de l’UE au premier semestre 2022 de le définir. L’Europe de la cyber c’est d’abord une Europe réglementaire, ce que sait très bien faire l’Europe par ailleurs. N’y voyez pas une pique contre l’Europe : sans le Règlement sur la protection des données (RGPD), les entreprises n’auraient jamais fait monter ce sujet assez haut dans la hiérarchie pour passer l’étape des budgets. Dans le domaine de la cybersécurité, c’est pareil. Depuis 2016, la directive Network and Information System Security (NIS) a fait ses preuves. Son but est d’assurer un niveau de sécurité élevé et commun pour les réseaux et les systèmes d’information européens. En gros, la directive NIS étend à l’échelle européenne cette notion d’opérateur critique qu’on avait en France et en Allemagne. D’ailleurs, elle fonctionne tellement bien qu’on est en train de la réviser, et encore une fois, ce n’est pas ironique !

Que manque-t-il à la directive NIS dans sa version actuelle ?

Rien, justement, elle fonctionne très bien et c’est pour cela qu’il faut étendre son périmètre, passer à l’échelle pour réglementer davantage de secteurs afin de généraliser la montée en compétence cyber. La directive NIS se concentre sur la sécurité des cibles finales des cyberattaques mais il faut aussi protéger les cibles intermédiaires et les prestataires de services numériques (ESN), qui ne sont actuellement pas régulés et c’est bien dommage, à la fois pour eux-mêmes et pour leurs clients. Il faut aussi étendre NIS dans le domaine des hôpitaux : en France une centaine d’établissements hospitaliers sont concernés par NIS, dont 13 CHU, mais il faut aller plus loin car il y a 4.000 établissements hospitaliers dans le pays. On ne peut pas tout faire d’un coup car le secteur privé n’arriverait pas à suivre la demande, mais il faut étendre les obligations petit à petit car c’est en relevant le niveau de sécurité de tout le monde qu’on fera reculer la cybercriminalité.

Quels autres sujets la France devrait-elle pousser pendant sa présidence du Conseil de l’UE, au premier semestre 2022 ?

Il faut mettre en place une vraie coopération opérationnelle à l’échelle européenne. Mettre en réseau notre capacité de réponse à une cyberattaque, à un niveau technologique, stratégique et politique. Il faut une vraie solidarité européenne dans la cybersécurité car aujourd’hui, si un Etat membre demande de l’aide, on ne sait pas l’aider.

Comment ça ?

Concrètement, si un Etat membre demande de l’aide pour gérer une cyberattaque, les CERT de chaque pays [Centre gouvernemental de veille, d'alerte et de réponse aux attaques informatiques, Ndlr] vont échanger des informations mais ils ne sauront pas mettre en place une aide opérationnelle. Lors des incendies de l’été en Grèce, l’UE a été capable de mobiliser très vite des pompiers européens pour venir en renfort sur place. Mais dans le cas d’une crise cyber, on ne sait pas faire.

Il faut donc anticiper les crises, créer des règles et des mécanismes de solidarité qui n’existent pas encore. A l’heure actuelle si l’Anssi envoyait des renforts français pour gérer une crise cyber en Grèce par exemple, elle le ferait au détriment d’une urgence nationale. La France pousse donc l’idée de ne pas seulement faire appel à des forces publiques comme les Anssi de chaque pays, mais de mobiliser aussi le secteur privé. Des entreprises certifiées pourraient aller faire des audits, répondre à des incidents, faire de la reconstruction. Mais il faut créer le cadre réglementaire pour le rendre possible.

La cybersécurité fait partie des outils pour gagner une souveraineté technologique européenne. Construire un cloud européen indépendant des Gafam est-il indispensable ?

La souveraineté technologique est un sujet très complexe qui demande beaucoup de courage politique. Le cloud est l’un des piliers de la sécurité numérique européenne car il renferme toutes nos données et fait fonctionner nos infrastructures. La question est donc : est-on capables d’avoir à l’échelle européenne un cloud certifié complètement imperméable au droit extraterritorial étranger, notamment américain et chinois ? Si on n’est pas capables de dire clairement qu’on ne veut pas que des pays non-européens puissent accéder à nos systèmes cloud, alors je ne veux plus entendre parler de souveraineté européenne.

La France a lancé une stratégie « cloud de confiance » qui propose un entre-deux en autorisant des technologies étrangères mais uniquement sous licence et commercialisées par des entreprises européennes. Le secteur du cloud français est vent debout contre cette initiative. Est-on vraiment souverain quand on utilise sous licence des technologies de Microsoft ?

Je peux comprendre le scepticisme. Cette stratégie ne peut pas être le fossoyeur des acteurs français ou européens du cloud, car les OVH, Scaleway, Outscale et autres sont très bons. Il faut continuer à mettre la lumière sur eux avant tout.

Mais on ne peut pas non plus interdire la technologie américaine. Il y a un principe de réalité à avoir. Le fait de repositionner les acteurs américains dans leur rôle de fournisseur de technologies me paraît un compromis acceptable. Microsoft semble embrasser ce rôle, Amazon et Google c’est plus compliqué car ce n’est pas dans leur ADN. Mais il est essentiel d’imposer nos règles de manière pragmatique. Rendre ces technologies immunes au Cloud Act et à la loi FISA c’est une manière d’être souverain. Les technologies de Microsoft seront dans la coentreprise française Bleu, issue de Orange et de Capgemini, et Bleu ne mettra jamais un orteil aux Etats-Unis donc sera imperméable au droit extraterritorial américain.

L’élection présidentielle de 2022 arrive. Cela vous inquiète-t-il ?

Non. On sera attaqués, il y aura certainement des tentatives de manipulation. Il faut donc faire beaucoup de sensibilisation auprès des partis politiques et des équipes de campagne et s’assurer que les systèmes d’information soient au bon niveau. Et quand on sera attaqués il faudra bien réagir mais je suis relativement plus serein qu’il y a cinq ans.

On dit souvent que la prochaine grande crise mondiale sera une crise cyber. Partagez-vous cette crainte ?

Je pense que les menaces s’additionnent : le terrorisme, le Covid, la cyber… Du coup on réfléchit beaucoup au sein de l’Etat à la notion de multi-crise. Notre organisation est conçue pour gérer une crise à la fois, pas plusieurs. Il faut donc s’adapter à cette nouvelle donne. Une crise cyber majeure cela peut être par exemple un effondrement sectoriel lié à une vague de cyberattaques sur des infrastructures énergétiques. Cela peut être Microsoft ou Amazon qui s’éteint et cela déclenche une crise mondiale car les conséquences en cascade seraient monstrueuses. Quand on parle de « Pearl Harbor cyber » c’est en réalité très en-deçà de la réalité de la menace car Pearl Harbor était une tragédie localisée alors qu’une grande crise cyber serait systémique.

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Risque de crise cyber majeure : Quel rôle de l’État

Risque de crise cyber majeure : Quel rôle de l’État ?

Par Jean-Jacques Quisquater, université de Louvain, Ecole Polytechnique de Louvain et MIT, et Charles Cuvelliez, université de Bruxelles, Ecole Polytechnique de Bruxelles. ( L’Opinion, extrait)

 

Tribune

 

Tout au long de la crise du Covid-19, c’est l’Etat qui a joué un rôle d’assurance et d’assureur sans le savoir au départ en prenant en charge les coûts générés par l’arrêt forcé de l’économie. Les puristes diront qu’une assurance couvre un dommage matérialisé sauf que l’Etat l’a couvert au fur et à mesure qu’il se matérialisait.

Dans son analyse annuelle 2021 des risques futurs, AXA n’est pas loin d’évoquer un scénario similaire où les assureurs seront tout aussi démunis face à l’ampleur d’une autre crise, une crise cyber qui paralysera toute l’économie via, par exemple, le système financier qui serait bloqué. On n’a aujourd’hui que peu de compréhension des conséquences si un maillon systémique du système financier était bloqué.

Qui doit couvrir les dommages?

Une crise cyber partira peut-être d’une institution donnée couverte par une assurance cyber, pourquoi pas, mais ses effets se propageront peut-être à toute une industrie, à toute une économie sans faire dans le détail. Qui doit couvrir les dommages dans ce cas. Tout comme le Covid-19, ce sera à l’Etat de jouer ce rôle.

On dirait que l’opinion s’y prépare puisque le risque cyber est listé comme risque n°1 aux Etats-Unis et n°2 en Europe. AXA a interrogé pour ce faire 2.500 experts en risque dans 60 pays. Il leur était demandé de choisir leur top des risques parmi un choix de 25.

Il n’est évidemment pas étonnant que les risques climatiques, les risques cyber et les risques santé occupent le top 3. Mais même si le Covid-19 a représenté la matérialisation, une année et demie durant, de l’un d’entre eux, c’est tout même le climat qui est donné comme le risque le plus urgent. Quant au risque de santé, c’est moins la pandémie que les maladies chroniques et l’exposition aux substances toxiques qui est vue comme le plus problématique pour le public qui a aussi été interrogé (20.000 personnes dans 15 pays).

Risques technologiques

Dans notre société toujours plus numérique et technologique, il n’est pas étonnant non plus que les risques technologiques soient mis en avant à coté des risques cyber. Les risques éthiques liés à l’usage des technologies qui autorisent toujours plus d’intrusion dans la vie (privée) ou qui provoquent des biais algorithmiques occupent le devant des préoccupations. Il y aussi les risques économiques et non plus éthiques liés à la technologie qui ont grimpé de 8 places dans le classement, en comparaison de 2020. Il s’agit de la prévalence toujours plus grande des cryptomonnaies dans l’attente d’un grand crash sans parler des conséquences sur la consommation d’énergie et l’empreinte carbone. Par contre, les technologies futuristes disruptives comme l’ordinateur quantique ou les systèmes autonomes ou même les manipulations génétiques n’ont pas l’air de préoccuper les experts.

Les risques liés à la stabilité financière sont montés de la position n°9 en 2020 à la position n°8 cette année. En 2018 et 2019, ce risque n’était même pas dans le top 10. Ce sont les politiques monétaires et fiscales non orthodoxes menées pendant le Covid-19 qui ont fait exploser les dépenses publiques qui expliquent cette peur. C’est le côté Terra Incognita dans lequel nous sommes plongés. Pour l’instant, tout va bien. Sur la forme que prendra la matérialisation d’un risque impactant la stabilité financière, on évoque autant l’existence d’une bulle financière que l’effondrement du système financier mondial.

C’est intéressant de voir comment la perception du risque diffère entre spécialistes et le grand public. Pour ce dernier, arrive en premier les pandémies et les maladies infectieuses.  Le changement climatique vient en deuxième position. Arrive ensuite le terrorisme (du fait de sa charge émotionnelle) et, en quatrième position, les cyberrisques. Le terrorisme n’arrive qu’en septième position pour les experts. Chaque continent a aussi son top risque préféré : l’Amérique voit le cyberrisque d’abord. Il faut dire que la vague d’attaque cyber que les Etats-Unis ont vu déferler n’y est pas pour rien (on n’a encore rien vu en Europe, ceci dit). En Europe, c’est le risque climatique qui inquiète le plus. Les pandémies et les maladies infectieuses dominent en Asie et en Afrique.

Perception de la vulnérabilité aux risques

Autre angle intéressant de cette édition 2021, la perception de la vulnérabilité aux risques. En 2021, les experts se sentent plus vulnérables aux risques de santé, environnementaux et technologiques. Ceci correspond parfaitement à l’actualité. Pour l’environnement, on a vu comme le confinement a tout à coup diminué tant d’atteintes à l’environnement, comme la pollution. Avec le tout au télétravail et au numérique pour compenser le confinement, on a aussi compris combien les risques technologiques se cachaient derrière ces usages. Enfin, la réalité du risque santé était bien là avec la pandémie.

Par contre, tant le public (75% des personnes interrogées) que les experts risques (87 %) continuent à faire confiance aux scientifiques et académiques pour gérer ou limiter les crises. Rassurant en ces temps d’infox mais pourvu que les scientifiques ne se trompent pas et ne s’érigent pas en autorité morale qu’ils n’ont pas à être avec des prises de position tapageuses. La jeune génération pense aussi qu’on viendra toujours à bout des crises, qu’aucune ne nous arrêtera. Ce sont aussi les jeunes qui sont le plus sensibles aux risques climatiques.

AXA pointe aussi un risque géopolitique qui émerge des risques climatiques avec la course au leadership pour la transition verte entre la Chine et l’Occident. On sait bien que les métaux stratégiques pour la transition énergétique se trouvent en Chine. On se rappellera que le leadership britannique au XIXe siècle venait de leur contrôle du charbon et que celui des USA vient de leur contrôle sur le pétrole quand même plus pratique.

Arrêt d’infrastructures critiques et ransomwares

Si on demande de détailler ce qu’il faut entendre par risque cyber, 47 % des réponses se dirigent vers un arrêt d’infrastructures critiques et 21% pour les ransomwares. Et c’est là qu’AXA explique que la prévalence des attaques cyber va les transformer en équivalent Covid-19. Le contexte cyber risque d’escalader, explique AXA. L’opinion publique des pays occidentaux appelle ses dirigeants à réagir de plus en plus fermement aux attaques, ce qui peut amener une politique de confrontation qui dépasse l’espace cyber.  A cela s’ajoute un poids réglementaire qui s’accroit : interdiction de payer les rançons, limitation des cryptomonnaies, … ce sont autant de marge de manœuvre réduite pour les entreprises pour faire face à une attaque cyber. Quant à la pandémie, elle a mis en évidence l’interdépendance entre risques santé et risque environnementaux. Les incendies créent des problèmes respiratoires, les virus s’échappent des zones tropicales, ….

Bien sûr, on peut se poser la question de la pertinence d’une telle analyse : le bais du déjà-vu opère. On croit qu’un risque qui s’est matérialisé dans le passé aura plus de chances de se reproduire mais il ne s’agit ici que d’identifier les risques majeurs émergents et pour tous ceux-là, les signes prémonitoires de leur matérialisation sont déjà présents et beaucoup ont leur cause de la main de l’homme.

Algérie : Macron réactive la rente mémorielle

Algérie : Macron réactive la rente mémorielle 

Les propos d’Emmanuel Macron sur l’Algérie ne passent pas auprès du gouvernement algérien, ni auprès des Algériens eux-mêmes, estime Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) à Genève, ce lundi sur franceinfo.

D’une certaine manière, Macron réactive la rente mémoriaelle qu’  exploite à nouveau l’appareil politico- militaires algérien.  NDLR

(Interview sur France Info extrait)

 

Selon un article du journal Le Monde, le président français estime qu’après son indépendance en 1962, l’Algérie s’est construite sur « une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire ».

 Est-ce que l’Algérie instrumentalise l’histoire, comme le laisse entendre Emmanuel Macron ?

Hasni Abidi : Chaque pouvoir politique prend possession de son histoire à des fins de survie et parce qu’il s’agit d’un acquis important qui appartient à toute la nation. Donc, le pouvoir algérien n’a pas un usage exclusif de l’histoire et de la mémoire algérienne. C’est pourquoi, les propos du président Macron sont de nature à choquer, non seulement les autorités algériennes, mais une bonne partie de la population algérienne.

Est-ce que vous y voyez un changement de pied d’Emmanuel Macron, un échec de la réconciliation à laquelle il œuvre depuis qu’il est arrivé au pouvoir ?

La réconciliation n’a jamais avancé. La situation entre la France et l’Algérie est normale tant qu’il n’y a pas ce genre d’incident. Là, on entre dans une tempête, un nouvel épisode de cette crise entre les deux capitales. Le chantier mémoriel est déjà en panne depuis un certain temps puisque l’Algérie n’a pas répondu favorablement au rapport de Benjamin Stora. Le deuxième élément est que l’Algérie s’attendait à des gestes, à des actions plus fortes. Et pour Alger, c’était tout de même un rapport a minima qui ne satisfait pas les demandes algériennes.

Pourquoi ces propos aussi forts interviennent maintenant ?

Les propos de Macron sont surprenants, d’autant que le président Macron est bien perçu par le président Tebboune. Il a réussi à entretenir une belle relation avec le président algérien. Le président Macron n’est pas du tout prisonnier de l’histoire de la France parce qu’il est né après l’indépendance, il a fait des gestes forts lors de sa campagne électorale à Alger. Je pense que cette sortie de route est motivée probablement par des promesses non tenues de la part d’Alger. Mais on ne connaît pas quelles promesses. Probablement la question mémorielle, la question des visas, la question des rapports économiques. Cela démontre une mauvaise image de la part du président français. Il lui aurait fallu plutôt utiliser des propos beaucoup plus mesurés, sachant que les Algériens sont très susceptibles et très sensibles. Les mots étaient forts : la question de la « rente mémorielle », le « système politico-militaire », une histoire réécrite, ce sont des propos que jamais dans le passé, un président français n’avait tenu à l’égard des Algériens.

Quand Emmanuel Macron évoque un système politico-militaire, il sous-entend que le président algérien n’a qu’un pouvoir limité ?

Absolument. C’est le message qui a été reçu par Alger, c’est-à-dire que le président Macron fait le diagnostic d’un régime composé de deux pôles : un pôle présidentiel dirigé par le président Tebboune, avec lequel il entretient de bonnes relations, et un autre pôle, l’institution militaire ou l’armée, qui laisse très peu de marge au président Tebboune. Mais ce genre de propos passe très mal du côté d’Alger parce que les autorités algériennes pensent bien sûr qu’il y a un seul président, c’est le président Tebboune, et cela affaibli même le président Tebounne lui-même. Ces déclarations irritent les autorités algériennes qui pensent que la campagne électorale française est responsable de l’intrusion de l’Algérie comme un enjeu électoral.

Défense :La condescendance des États-Unis pour l’Europe

Défense : La condescendance des États-Unis pour l’Europe

Gérard Araud, ancien ambassadeur de France outre-Atlantique, les Américains n’ont que faire d’une autonomie stratégique européenne

Ex-ambassadeur de France aux Etats-Unis (2014-2019) et représentant permanent au Conseil de sécurité et auprès des Nations Unies à New York (2009-2014), Gérard Araud publie, ces jours-ci, Henry Kissinger, le diplomate du siècle (330 pages, 20,90 euros, éditions Tallandier).Il explique que les États-Unis considèrent l’Europe  comme quantité négligeable.

Après le désengagement chaotique d’Afghanistan et le couac qui a accompagné l’annonce de l’alliance stratégique Australie-Royaume-Uni-Etats-Unis (Aukus), qui doit-on incriminer ? Le secrétaire d’Etat Antony Blinken ou le conseiller à la Sécurité nationale Jake Sullivan ? Manque-t-il un Kissinger à Joe Biden ?

On arrive dans un monde « Kissingerien » de rapports de force avec une confrontation entre grandes puissances et puissances moyennes. Les Etats-Unis ne sont plus seuls. Il y a la Chine mais aussi l’Inde, la Russie etc. Henry Kissinger était l’homme du réalisme en politique étrangère et de l’engagement des Etats-Unis dans les relations internationales. Ce besoin se fait sentir aujourd’hui, mais cette administration n’en veut pas. Que cela soit sous Obama et Trump, hier, ou Biden, aujourd’hui, il y a une volonté de se retirer de la scène. Les Américains ne veulent plus être le « gendarme du monde ». Ils sont en train de se retirer dans leur forteresse. La priorité de Joe Biden en matière de politique étrangère… c’est la politique intérieure, c’est-à-dire la crise politique et économique existant dans le pays.

Comment en est-on arrivé à cette position ?

Biden et les siens ont été stupéfaits par les événements du 6 janvier au Capitole et par le refus d’une partie des républicains de reconnaître le résultat des élections — une rupture centrale dans le pacte social et politique américain. Il n’est donc plus question d’une grande partie d’échecs à l’échelle du monde. Jake Sullivan a créé le concept de politique étrangère pour la classe moyenne. L’idée n’est pas de faire de grande stratégie à la Kissinger, mais de prouver que chaque décision est bonne pour la classe moyenne. Le retrait d’Afghanistan répond à la demande d’une majorité de l’opinion publique, lasse des interventions étrangères. Cette administration ne pouvait l’ignorer. Son autre priorité, c’est la Chine. Le reste vient bien loin derrière. Elle considère que l’avenir du monde, d’un point de vue technologique et économique se joue dans la région Indo-Pacifique. L’Europe est, à ses yeux une vieille tante charmante mais vieillissante, en voie d’affaiblissement.

« Le plus inquiétant, c’est de voir les Américains constituer des coalitions militaires contre la Chine dans la région Indo-Pacifique. Ce n’est pas être pro-Chinois que de dire que cela ressemble à un endiguement, voire à un encerclement »

Henry Kissinger avait été le bouc émissaire de la chute de Saïgon. Qui sera celui de la chute de Kaboul ?

Le départ de Kaboul a été fait d’une manière particulièrement désastreuse, mais il y a une différence avec Saïgon. A l’époque, Henry Kissinger écrasait tout le monde. Il rivalisait avec Richard Nixon lui-même. Aujourd’hui, la situation est différente. Antony Blinken et Jake Sullivan ne sont pas des vedettes de plateaux télé. S’il y a un bouc émissaire, ce sera donc Joe Biden. Mais je ne sais pas ce qui va l’emporter entre le soulagement d’être sorti d’Afghanistan et la recherche de coupables. Le vainqueur à Saïgon était le communisme, l’ennemi absolu totalement fantasmé par les Etats-Unis. Là, ce sont les talibans. Or, le problème du terrorisme islamique est beaucoup moins aigu sur le territoire américain qu’en Europe. Depuis le 11 septembre 2001, le pays n’a pas connu d’attentats spectaculaires.

La crédibilité de la politique étrangère américaine n’est-elle pas écornée ?

Cela dépend où. En Europe, l’Aukus est uniquement une affaire française ! Nous sommes une victime collatérale. La France n’a pas été la cible de cette affaire. Les Américains, qui pensaient que l’Australie allait régler l’affaire, ont découvert un beau matin l’ampleur du scandale. Quant à nos partenaires européens, ils s’en moquent éperdument. Ils ne veulent pas d’autonomie stratégique. Sauf à y être contraints et forcés si Donald Trump était réélu et décidait de sortir de l’Otan. Pour le moment, ils veulent éviter tout mouvement qui puisse pousser les Américains dehors. Pour eux, la garantie militaire américaine est existentielle et elle passe par l’Otan. C’est l’alpha et l’omega de leur politique de défense. Quant aux Américains, ils veulent continuer à exercer leur suprématie en Europe. Dans le communiqué diffusé après la discussion téléphonique entre Joe Biden et Emmanuel Macron, ne figurait d’ailleurs pas de référence à l’autonomie stratégique. La France, qui a l’habitude de parler au nom des Européens, ne veut pas voir tout cela. Elle est dans le déni. Le plus inquiétant, c’est de voir les Américains constituer des coalitions militaires contre la Chine dans la région Indo-Pacifique. Ce n’est pas être pro-Chinois que de dire que cela ressemble à un endiguement, voire à un encerclement. Or, un encerclement, on essaie toujours de le rompre. Il y a une montée des tensions militaires sans que ne soit ouvert un dialogue politique avec Pékin. Tout le monde sait que les Etats-Unis et la Chine doivent trouver un équilibre, mais ce ne sera possible qu’avec des compromis et une compréhension des lignes rouges de l’adversaire. Vendre des sous-marins nucléaires à l’Australie, c’est nourrir la tension.

« Durant l’essentiel de sa carrière, Antony Blinken, tout comme l’ensemble de l’administration actuelle, a connu la période de suprématie absolue des Etats-Unis après l’effondrement du bloc communiste. Il doit s’adapter à un nouveau monde »

Voyez-vous un héritier à Henry Kissinger ?

Non, les Américains ne veulent pas voir le monde à travers la froideur des rapports de force, même s’ils les pratiquent parfaitement. Face au besoin quelqu’un se révélera peut-être. Jake Sullivan est une personnalité brillante qui conceptualise sa pensée. Attendons de voir ce qu’il va donner. Les débuts de l’administration sont difficiles parce qu’à cause des républicains qui bloquent les nominations, ils ne peuvent pas pourvoir un nombre de postes importants. Ce qui ralentit la redéfinition de sa politique.

Et le très francophile Antony Blinken sur lequel Paris comptait beaucoup ?

Il parle parfaitement le français et a passé son bac en France. Nous avons, peut-être, un accès un peu plus simple à lui, mais il défend la politique étrangère de son pays. On en attendait beaucoup trop ! Ce qui vient de se passer prouve bien que cela n’ira pas loin. S’il vient à Paris, ce n’est pas pour une opération de charme. Nous n’avons pas besoin qu’il nous dise qu’il nous aime, mais qu’il fournisse des preuves d’amour. Durant l’essentiel de sa carrière, Antony Blinken, tout comme l’ensemble de l’administration actuelle, a connu la période de suprématie absolue des Etats-Unis après l’effondrement du bloc communiste. Il doit s’adapter à un nouveau monde. C’est tout l’enjeu de la présidence Biden, qui est une présidence de transition. Tout comme l’était celle de Donald Trump qui a totalement transformé le Parti républicain en le faisant passer d’interventionniste et libre-échangiste à isolationniste et protectionniste.

Énergie: Une volatilité des prix incontrôlable

Énergie: Une volatilité des prix incontrôlable

 

 Frédéric Gonand est professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine-PSL, spécialiste des questions énergétiquesExplique pourquoi la volatilité des prix devient incontrôlable (dans l’Opinion, extrait).

Pétrole, gaz, électricité : la flambée des cours de l’énergie est-elle temporaire ou voyons-nous là les prémices de la transition énergétique ?

De manière générale, les prix de l’énergie et des matières premières figurent parmi les plus volatils d’une économie. L’actuelle reprise mondiale implique un décollage de la demande d’énergie, que l’offre a du mal à suivre. C’est surtout vrai pour la Chine qui a mis en œuvre une relance budgétaire dès mai 2020 – là où l’Union Européenne a mis plus d’un an – et a redémarré vigoureusement dès la fin de 2020. Cela a tiré vers le haut les prix des métaux, par exemple, mais aussi du gaz naturel. En Europe, le prix du gaz a d’autant plus augmenté qu’on a observé en 2021 des baisses de production (notamment en Mer du Nord) et d’importation via les gazoducs (notamment venant de Russie). La catastrophe a été évitée grâce aux stockages de gaz, qui ont été très sollicités et sont actuellement très bas, alors que l’hiver arrive. L’ensemble de ces facteurs ne devraient pas se dissiper avant la mi-2022. La question de l’effet sur les prix de la transition énergétique est assez différente car elle porte sur un horizon temporel plus long. Il y a beaucoup d’arguments qui laissent penser que l’énergie sera plus chère pendant la durée de cette transition (coût de production, de transport, de distribution, prix du carbone…). Les investissements nécessaires en infrastructures sont colossaux, et les changements de comportements doivent être accompagnés par une tarification du carbone qu’il faut bien payer si l’on souhaite défendre le climat.

Bercy a-t-il raison de partir en guerre contre le marché européen de l’électricité, jugé « obsolète » par Bruno Le Maire et qualifié « d’aberration écologique et économique » par sa ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher ?

La force des termes est sans doute à la hauteur de la pression qu’un responsable politique ressent quand les prix de l’énergie s’envolent à quelques mois de l’élection présidentielle. Même s’il y aurait beaucoup à dire sur le fonctionnement du marché européen de l’électricité, la situation où le producteur marginal (assez souvent une centrale à gaz ou à charbon) détermine le prix sur le marché est celle qui permet de produire l’électricité en moyenne à moindre coût, et qui a aussi permis aux centrales nucléaires d’être rentables depuis quarante ans. Je serais donc plus mesuré dans mon appréciation, car un système électrique fonctionne sous des contraintes physiques qui sont rarement « obsolètes » ou « aberrantes ». Un des autres apports du marché européen de l’électricité est d’avoir contribué, depuis vingt ans, à la transparence des coûts et des prix. Ce n’est pas négligeable car cela évite les rentes indues payées par le consommateur. Mais il est vrai que le credo libéral européen, qui a fait croire que le marché de l’énergie pouvait être aussi concurrentiel que celui des baguettes de pain ou des voitures, a posé des problèmes.

 

Peut-on trouver de nouvelles solutions pour lutter contre la volatilité des cours de l’énergie ?

De la volatilité, il y en aura de plus en plus sur le marché de l’électricité à l’avenir, précisément en lien avec le développement des énergies renouvelables. L’une des solutions importantes et qui est en train d’arriver progressivement, c’est le stockage sur les réseaux électriques. La technologie est mûre et le modèle d’affaires sera bientôt rentable. Il aura, certes, besoin d’être en partie régulé. Mais il est consolant de voir que le couplage du photovoltaïque et du stockage massif d’électricité a probablement un bel avenir devant lui.

Cet épisode souligne aussi le problème de l’indépendance énergétique de l’Europe. Le nucléaire reste-t-il la solution ?

Plutôt qu’une solution unique, dans le domaine de l’énergie il y a des éléments de solution. Le nucléaire a des avantages techniques et économiques, mais le coût des nouvelles centrales a aussi augmenté dans le passé récent, et les questions environnementales ne sont bien sûr pas illégitimes. Ce qu’il ne faut vraiment pas faire, c’est fermer des centrales déjà construites et qui fonctionnent bien. Et pour finir, une autre politique de l’énergie efficace, peu chère et qui préserve notre indépendance : le pull en laine. Avec 19°C en pull plutôt que 21° en chemise, vous n’imaginez pas le bien que vous faites à l’économie et à l’environnement !

Nouvelle-Calédonie: Choisir la France ou la Chine

 Nouvelle-Calédonie: Choisir la France ou  la Chine

Un papier du Monde souligne l’un des enjeux essentiels du nouveau référendum sur l’indépendance en Nouvelle-Calédonie. Pour résumer, il s’agit de choisir entre la France ou alors la Chine prête évidemment à mettre la main sur le nickel quitte à arroser la superstructure locale.

 

Pour cette troisième, et dernière, consultation dans le cadre de l’accord de Nouméa de 1998, les électeurs devront répondre à la question : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Lors des deux premières consultations, c’est le non qui l’a emporté, par 56,7 % en novembre 2018 puis, avec une marge réduite, par 53,3 % en octobre 2020.

Toutefois, un autre événement est venu se mêler à la campagne référendaire – même si celle-ci a été mise sous cloche en raison de la crise sanitaire. La tension diplomatique entre la France et l’Australie engendrée par l’« affaire des sous-marins » a ravivé les affres de l’expansionnisme chinois dans la zone Pacifique. Et la crainte, en cas d’indépendance, que la Nouvelle-Calédonie ne devienne « une colonie chinoise », comme le répètent à l’envi les partisans du maintien dans la République française.

Lorsque le président Emmanuel Macron s’était rendu en Nouvelle-Calédonie, six mois avant le premier référendum, il avait souligné, dans son discours prononcé à Nouméa le 5 mai 2018, combien, « dans cette région du globe, la Chine est en train de construire son hégémonie pas à pas »« La France est une grande puissance de l’Indo-Pacifique à travers tous ses territoires », avait-il insisté, défendant avec conviction « une ambition géopolitique »« Il y a un axe Paris-New Delhi-Canberra, mais cet axe-là se prolonge de Papeete à Nouméa et à travers tous nos territoires, concluait-il. Je crois dans le futur de ce territoire et je crois dans la place que ce territoire occupe dans une stratégie plus large que nous devons avoir dans toute la région. »

A ce titre, la Nouvelle-Calédonie occupe une place-clé dans la stratégie en Indo-Pacifique, dont la France entend être un des acteurs majeurs. A la pointe de l’arc mélanésien formé par la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon et le Vanuatu – où l’influence chinoise est déjà active –, elle offre quelque 1,5 million de kilomètres carrés de zone économique exclusive. Et les richesses minières, notamment de nickel et de cobalt que recèle son sous-sol en font un des principaux producteurs mondiaux. « Il n’est pas raisonnablement concevable de nourrir une ambition française dans le Pacifique sans compter sur la Nouvelle-Calédonie, plaide la présidente de la province Sud, Sonia Backès, chef de file de la coalition Les Loyalistes [dans une tribune au Monde]. Nous sommes la clé de voûte de cet axe Indo-Pacifique. »

Mettre l’énergie solaire au service de l’agriculture, pas l’inverse !

Mettre l’énergie solaire au service de l’agriculture, pas l’inverse !

Un collectif d’élus, de défenseurs de l’agriculture et des énergies renouvelables, parmi lesquels Pascal Chaussec, Alain Grandjean et Emmanuel Hyest expliquent, dans une tribune au « Monde » que le développement du solaire doit être mis au service de notre agriculture et non l’inverse. (extrait)

 

Tribune.

 

Nos agriculteurs, déjà touchés régulièrement par des prix de vente trop faibles et les effets du dérèglement climatique, doivent désormais affronter un défi propre à ce XXIe siècle, celui de la pénurie des terres. Les espaces agricoles deviennent petit à petit insuffisants pour nourrir une population croissante, d’autant qu’ils subissent par ailleurs érosion et artificialisation galopante.

En France, ce phénomène pourrait être accentué par nos objectifs de transition énergétique. Les développeurs de parcs solaires rencontrent des difficultés pour identifier et maîtriser le foncier de friches industrielles ou d’autres terrains artificialisés, délaissés ou dégradés pour y implanter leurs installations.

Ainsi, la recherche du foncier nécessaire à l’atteinte des objectifs solaires inscrits dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) exerce, depuis deux ans, une forte pression sur les terres agricoles. Face à cette pression, de plus en plus de plans locaux d’urbanisme prévoient le déclassement de terres agricoles pour permettre l’implantation des centrales solaires. Ces projets d’installations photovoltaïques au sol conduisent à l’artificialisation de terres arables et à l’affaiblissement de l’activité agricole.

Des terres agricoles perdues

Cette quête de terres nouvelles entraîne l’agriculture dans un cercle vicieux : outre la baisse du potentiel de production agricole, la pénurie de terrains disponibles pour le photovoltaïque crée une spéculation foncière pouvant séduire des agriculteurs en grandes difficultés économiques ; ensuite, l’inflation des loyers ou des prix d’achat des terrains objets de cette spéculation accentue, malgré la volonté affichée du gouvernement de les soutenir, les difficultés d’installation de nouveaux entrants et menace la transition générationnelle agricole.

Nous, signataires de ce texte, soutenons qu’il est possible de mener de concert transition énergétique et défense de notre souveraineté alimentaire. Nous soutenons qu’il existe des solutions pour préserver les surfaces agricoles tout en réalisant les objectifs de la transition énergétique, et qu’elles offrent une opportunité équitable pour le plus grand nombre des agriculteurs.

Tout d’abord, si tous les agriculteurs de France pouvaient équiper de toiture solaire leurs bâtiments d’élevage ou de stockage, les objectifs de la PPE seraient déjà atteints. Chaque agriculteur en tirerait de multiples avantages : compléments de revenus tirés de la vente d’électricité, modernisation de leur exploitation, bien-être animal… A plus long terme, cela permettrait également d’équiper les exploitations de bornes de recharge et d’utiliser des engins agricoles électriques dès que ceux-ci seront devenus compétitifs.

Présidentielle 2022 : 30 à 50 candidats, la soupe est bonne !

Présidentielle 2022 : 30 à 50 candidats, la soupe est bonne !

Une trentaine de candidats ont déjà fait part de leur intention de se présenter en 2022. Une vingtaine d’autres pourrait le faire d’ici avril de l’année prochaine. Évidemment tous ne seront pas retenus. En 2017, 11 seulement, si l’on peut dire, avaient réussi à obtenir le nombre de signatures suffisantes. La particularité en France ,c’est que beaucoup de candidats déjà perdants se représentent encore, certains pour la deuxième ou la troisième fois. Certains très marginaux n’obtiendront que de 1 à 2 % mais c’est évidemment le moment de leur vie : apparaître sur le petit écran pour satisfaire leur ego. Pour d’autres, un peu plus sérieux , il s’agit de conquérir le pouvoir avec quelques chances de succès. Dans ce cas là, il ne sont que trois ou quatre.

Cet engouement démocratique pour la fonction présidentielle est aussi significatif du fait que la politique nourrit son homme. Certes tous ne visent pas la magistrature suprême et des milliers et des milliers de la superstructure politique (élus locaux, conseillers départementaux, conseillers de communauté, conseillers régionaux, députés, sénateurs etc.) vivent de cette activité pendant des années voire des dizaines d’années.

Certains candidats n’ont strictement aucune chance et sont là pour témoigner de leurs idées plus ou moins farfelues et ou de leur idéologie ( les trotskistes, le parti Animaliste, un maire transgenre et les inoxydable Jean Lassalle ou Asselineau.

Cette espèce de foire aux candidats ne grandit pas la France. Cela démontre au contraire l’affaiblissement des organisations qui normalement doivent assurer la médiation entre le pouvoir et les citoyens. Beaucoup de ces candidats sérieux vont même cacher leur organisation d’origine avec des slogans aussi médiocres que  : « ensemble, l’avenir c’est demain ». Bref le dégré zéro de la politique . Et pour se faire élire ou tenter, en multiplie évidemment les promesses de réévaluation notamment des salaires de chaque catégorie sociale. Un vrai concours Lépine de la démagogie qui démontre  qu’à défaut d’idées certains candidats ne manquent pas d’appétit pour la soupe du pouvoir. Pas étonnant si un personnage comme Zemmour émerge dans un environnement politique d’une telle médiocrité. De ce point de vue Macron avait montré le chemin en 2017.

L’islam de Éric Zemmour: thèse erronée ?

L’islam de Éric Zemmour: thèse erronée ?

 

Par Mezri Haddad, philosophe et premier candidat musulman qualifié par le CNU, maître de conférences en théologie catholique. (Le Monde, extrait)

TRIBUNE -

 

Soutenir que les islamistes sont les musulmans les plus conséquents avec eux-mêmes, comme le fait le quasi-candidat à l’Élysée, est un raisonnement faux et, par ailleurs, une erreur politique, estime le philosophe, ancien ambassadeur de Tunisie à l’Unesco.

«Personne n’a jamais tout à fait tort. Même une horloge arrêtée donne l’heure juste deux fois par jour», enseigne la sagesse chinoise. En d’autres termes, dans l’ensemble des discours ou des écrits d’Éric Zemmour, tout n’était pas fallacieux. Tant s’en faut. Si choquantes soient-elles pour les tenants de l’islamisme modéré, pour les apôtres de l’islamo-gauchisme, pour les ayatollahs du communautarisme, pour les talibans du multiculturalisme et pour les grands prêtres de la bien-pensance, les thèses de Zemmour étaient à la fois factuelles et apodictiques.

Depuis une vingtaine d’années, à l’instar de quelques autres intellectuels ou journalistes non-conformistes, l’horloge zemmourienne indiquait l’heure exacte plus de deux fois par jours! Et pour cause: elle n’était pas à l’arrêt, elle fonctionnait impeccablement et sonnait régulièrement le tocsin. Mais nul n’y prêtait attention, les protagonistes politiques de droite comme de gauche préférant vivre dans l’aveuglement, l’autisme, l’atemporalité

Aménagement du territoire : la folie de la métropolisation

Aménagement du territoire : la folie de la métropolisation

La mode de la métropolisation risque d’aboutir à un aménagement du territoire composé d’un côté d’une dizaine de villes de plus d’un million d’habitants concentrant une majorité d’emplois et de l’autre des zones en voie de régression voire  de désertification. Un non-sens non seulement économique et social mais aussi environnementale et sociétal. En effet l’hyper concentration qui génère effectivement une croissance endogène provoque aussi des dégâts humains et environnementaux catastrophiques. Les créations d’emplois se en effet concentrent depuis une dizaine d’années sur les aires urbaines de plus de 500.000 habitants, zones où l’on trouve les métiers les plus dynamiques – notamment les postes de cadres - au détriment des villes petites et moyennes, constate une étude de France Stratégie. Au total, c’est une douzaine de métropoles régionales qui se partagent quasiment la moitié (46%) des emplois, dont 22% pour Paris et 24% en province. Et ce marché de l’emploi à deux vitesses se creuse. La situation est inédite: entre en 1968 et 1999, la croissance de l’emploi profitait à l’ensemble du pays… avant que les territoires ne se différencient de plus en plus, et que la fracture ne se transforme en fossé entre 2006 et 2013. C’est durant cette période que les aires urbaines de plus de 500.000 habitants ont massivement créé des emplois alors que les villes moyennes, les petites villes et les communes isolées ont subi des pertes, observe l’organisme placé auprès du Premier ministre. Ce phénomène a un nom: la «métropolisation». Or cet aménagement du territoire qui privilégie l’hyper concentration autour de quelques centres conduits le reste à la désertification.  . La mode aujourd’hui est à la métropolisation, c’est à dire à la sururbanisation (qui constitue pourtant une  aberration environnementale) tandis que certaines  petites villes, des villages s’appauvrissent, des villes moyennes stagnent ou régressent. L’élément le plus significatif de cette désertification c’est la raréfaction de l’emploi. Du coup,  les populations sont contraintes de rechercher des embauches de plus en plus loin de leur domicile (20, 30, 50 kms). Jusqu’au  jour où elles décident de quitter leur zone d’habitat pour  rejoindre des zones plus riches en emplois. Pour preuve de cette désertification : la baisse dramatique de la valeur du patrimoine immobilier. Par manque de populations,  les services rétrécissent comme peau de chagrin. Le cœur de la problématique de la désertification, c’est la disparition de l’emploi qui génère mécaniquement la fermeture des commerces et des services. La réactivation des villes moyennes, des  zones rurales défavorisées passe d’abord par une  analyse fine des réalités et de leur évolution sur longue période (emploi, PIB,  population, services etc.) ; aussi  par une prise en compte des  typologies différenciées des zones dont l’approche globale masque les disparités. Au-delà,  il convient d’agir sur les  leviers susceptibles d’abord de fixer la population active existante et d’encourager la création d’emplois. Bien entendu une  commune ne peut, à elle seule, inverser ces tendances lourdes même si elle peut intervenir utilement dans le champ actuel  de sa  responsabilité. Beaucoup de communes se préoccupent de leur développement pour autant l’environnement défavorable limite leur action (fiscalité, réglementation, transport, équipements et services). En fonction de certains scénarios économiques, sociaux et démographiques, en 2040 certains villages se transformeront en zones pour retraités voire même disparaîtront (d’autant qu’à cette date un  Français sur trois aura plus de 60 ans). L’activité économique interagit sur la qualité et le niveau des services et réciproquement. Si on se préoccupe légitimement des équipements et des services publics, par contre le soutien à l’emploi et à l’économie locale en particulier est plus déficient. Or en fonction du rythme de destruction  des emplois locaux, ce devrait être aussi une priorité. Encore une  fois compte tenu de la mode de la « métropolisation » ‘ pas spécifique à la France, il y a fort à parier qu’on pourra attendre encore longtemps des mesures significatives pour le développement rural des zones défavorisées. On ne saurait se limiter  à quelques dispositions certes utiles mais très insuffisantes (couverture internet, bureau de poste, quelques services …peut-être.

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Mini centrales nucléaires : Macron veut développer la technologie

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Emmanuel Macron  a manifesté son attention d’accélérer le développement en France de la technologie des petits réacteurs modulaires, ou small modular reactors (SMR).

Le SMR devrait en effet figurer dans la rallonge de 30 milliards d’euros au plan de relance. Ce n’est pas une surprise – l’inverse l’aurait été. « Le soutien du président de la République au projet de SMR est connu, rappelle-t-on dans l’entourage du chef de l’État. Ce projet bénéficie de financements de France Relance (le plan de relance présenté en septembre 2020)».

Emmanuel Macron avait déjà mentionné le dossier du SMR lors de son discours du Creusot, en janvier dernier. «Avec une enveloppe de 50 millions d’euros, le plan de relance investi sur deux ans dans la réalisation d’un avant-projet sommaire et engage ainsi la France dans la compétition mondiale sur les SMR, avait-il déclaré devant la filière nucléaire réunie dans l’usine historique de Framatome. Il nous faut rapidement rattraper le retard, considérer aussi toutes les options de partenariat envisageables et nous positionner sur ce segment.» Un segment où la France est en retard et veut compléter son offre nucléaire globale ( centrales classiques, centrales EPR et mini centrales). Un enjeu de souveraineté nationale mais aussi un enjeu économique pour la France et ses exportations.

Panne géante de Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp

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Une  panne de plus de six heures, affectant des dizaines de millions d’utilisateurs dans le monde qui devrait être intégrée dans la réflexion sur les risques d’une cyber attaque mondiale.

Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger, les deux réseaux sociaux et les deux messageries du géant californien, ont subi une panne massive de plusieurs heures lundi, affectant des dizaines de millions d’utilisateurs dans le monde. Durant plus de six heures, les applications comme les sites web étaient concernés. Le service commençait toutefois à être rétabli vers minuit.

L’incident de ce lundi, qui a débuté vers 18 heures, est d’une ampleur toute autre au vu de sa durée et du fait qu’il concerne l’ensemble de la famille d’applications du groupe Facebook. C’est la panne c’est «la plus importante jamais observée» par Downdetector, un site de suivi de ce genre d’incidents, qui a recensé plus de 5,6 millions de signalements venus du monde entier rien qu’entre 15 heures 15 et 16 heures 30 GMT.

Pendant près de six heures, les internautes n’arrivaient plus à se connecter aux serveurs des sites et applications de Facebook. Sur les réseaux sociaux, plusieurs spécialistes estiment que le groupe a fait face à une panne de DNS (Domain Name System). Il s’agit d’un service qui fait le lien entre le nom de domaine d’un site web, tapé par l’internaute, et l’adresse IP dudit site, qui est une suite de chiffres. Si le DNS est défaillant, le navigateur est perdu et ne sait pas où il doit se rendre.

La panne a touché un grand nombre de sites web ou de jeux mobiles.

La Chine pour une éthique algorithmique

La Chine pour une éthique algorithmique

Officiellement il s’agit pour les autorités chinoises de protéger les utilisateurs. En fait il se pourrait que les autorités soient surtout inquiètes de l’immense source de données dans disposent les grandes entreprises de la tech pour modeler les mentalités et les comportements. L’enjeu est économique mais aussi politique et culturel.

Depuis plusieurs mois, la Chine s’attaque frontalement à ses champions nationaux de la Tech. Elle régule lourdement les activités d’entreprises dont le modèle repose sur la collecte et l’exploitation de données personnelles grâce à l’intelligence artificielle. Sur cette question, la Chine s’est récemment dotée d’un règlement pour la protection des données sur internet, l’équivalent du RGPD européen.

 

L’objectif chinois à moyen termesearait de réguler les algorithmes qui constituent une menace pour «la sécurité intérieure, l’ordre social et l’ordre économique», comme le présentait l’autorité chargée du cyberespace cet été. Le régulateur veut supprimer tout algorithme nuisible pour les individus comme ceux poussant le consommateur à dépenser davantage sur les sites d’e-commerce. Les plateformes devront expliquer aux consommateurs le fonctionnement de leurs outils de recommandations et permettre aux internautes de les refuser. Côté réseaux sociaux, les systèmes pouvant influencer l’opinion publique sont contraints d’obtenir une autorisation administrative.

 

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